On reproche souvent à Besson de faire des œuvres populaires et de sombrer dans la facilité. Pourtant, alors que Taxi sort en fanfare en bandes dessinées il exhume 7e Choc pour monter sa propre maison d’édition au lieu de se faire représenter clé en main par un autre éditeur. A l’occasion de son lancement à Angoulême, coup de projo sur cette nouvelle ambition et interview de Kristijan CVEJIC, responsable éditorial.
INTERVIEW DE KRISTIJAN CVEJIC, responsable éditorial
Comment avez vous rencontré Luc Besson ?
Je lui ai envoyé plusieurs projets dans lesquels j'exposais ma vision de ce métier, ainsi que mon parcours éternel de galérien...J'avais à cœur de ne pas finir aigri comme beaucoup de mecs que je connais dans ce milieu!... Le cœur de mon combat a toujours été d'avancer et de faire les choses concrètement plutôt que d'attendre des années avant qu'un décideur ne daigne accepter mes projets dans une maison d'édition. Ce qui fait que lorsque j'ai rencontré Luc Besson, j'avais du concret à montrer. Il n'a plus eu qu'à accepter de m'accompagner dans cette aventure humaine. Avec courage.
Qu'est ce qui a poussé Besson à faire renaitre 7e Choc plutôt que de passer par un éditeur traditionnel ? Rien n'est calculé. Je crois que ça a plus à voir avec les hasards de la vie qui nous mettent les uns en contact avec les autres...Peut-être que j'attendais cette rencontre, peut-être que lui aussi. Je veux dire, il ne s'est pas dit: "tiens, je vais faire de la BD, qui pourrait en faire avec moi?"...C'est juste une rencontre, de laquelle naît un projet et une envie commune. Luc Besson compte-t-il peser dans les choix éditoriaux ?
Les BanlieuZards
On fait les choses ensemble, en fonction de nos affinités. Je choisis les auteurs avec lesquels je souhaite bosser, mais il peut venir aussi me voir pour me proposer des trucs. Rien n'est figé en la matière, et tout part de discussions constructives. Je le consulte toujours pour avoir son avis, et il me fait confiance. Ca fonctionne comme ça. Vous souhaitez axer une partie de votre image sur la banlieue, pourtant votre catalogue de départ est très varié. Ne craignez vous pas de brouiller le message ? Ca c'est la partie éditoriale. Si je ne fais qu'une collection sur la banlieue, comment puis-je être sûr qu'elle va marcher, rapporter des sous, et me permettre de payer mes auteurs? Le risque est trop gros, et je ne joue pas avec les dessinateurs et scénaristes qui me font confiance. Trop d'éditeurs finissent pas ne plus pouvoir payer leurs artistes, c'est horrible. Je prends mes responsabilités, et me positionne comme un éditeur généraliste. D'abord, parce que j'aime beaucoup de choses différentes en Bd, et aussi parce que ce positionnement nous donne plus de chances de consolider notre structure, de trouver un nouveau public, et de rémunérer nos auteurs en fin de mois.
Evidemment ça me vaut des critiques puisque je publie Taxi (souvent décrié), or les gens devraient comprendre que c'est justement grâce à ce type de projet que je peux sortir des BD plus difficiles. Par ailleurs, j'ai aimé en écrire l'histoire et je me suis bien éclaté, alors pourquoi pas?... Le message dont vous parlez ne sera pas brouillé. Mes années de galère parlent pour moi et j'incarne ma structure, j'ai tout fait moi-même et Septième Choc me ressemble. Si le public comprend cela, alors il peut être certain que je suis d'une honnêteté et d'une conviction absolue dans ce que je fais.
Nous présentons en preview « Les banlieuZards » , il y a un petit coté Lucien version 2007, moins désuet… Tout à fait d'accord! Je suis un fan depuis toujours de Margerin, il a montré à ma génération qu'on pouvait aller parler du quotidien de manière réaliste mais décalée...C'est un fils du peuple comme moi, il a arpenté le béton longuement pour en tirer ses histoires et j'ai un respect immense pour lui. J'aimerais bien le rencontrer un jour. Les BanlieuZards sont par ailleurs aussi une manière de parler des affres de la Banlieue... La misère sexuelle, par exemple. Et tout cela sur un ton nouveau et parfois un peu hard-core. Mais ça rafraîchit un peu la BD, et c'est ce qui compte. J'ai également voulu que ces histoires soient aussi accessibles à des gens qui ne connaissent pas la banlieue mais aiment tout simplement rigoler en lisant une bonne BD. Mon combat est de toujours chercher à faire rire, pas à faire sourire...Si vous voyez la nuance...
Les signatures ont souvent des consonances slaves... Vous avez fait une OPA sur les beaux arts de Belgrade ? (rire) (rire)...Ecoutez c'est simple: je suis serbe, alors pourquoi ne pas aller chercher des auteurs talentueux là où ils sont? Le salaire moyen français est sensiblement plus élevé que celui des serbes, comment gérez vous cet aspect ? Tout dépend. Pour des gros projets je rémunère comme en France. Pour des plus petits projets, c'est moins. Comme en France!
Winter Freaks
Blague à part il faut faire gaffe. Je bosse avec des auteurs jeunes. Les payer sur les mêmes standards qu'ici de suite peut être déstabilisant pour eux, leur milieu, etc. J'ai vécu en Serbie et je connais la mentalité. Se retrouver avec trop d'argent d'un coup fait que on peut péter un plomb, susciter la jalousie, se relâcher, etc. Donc je suis là pour faire attention à cela, accompagner le jeune qui commence, l'aider, et faire en sorte que sa carrière se fasse par paliers. C'est aussi une manière de responsabiliser et rendre plus adulte un individu. Mais rassurez vous, je ne suis pas mafieu non plus! Sachez juste que le salaire moyen en Serbie est de 200/300 €. En France c'est 1200 €. Fondamentalement, il faut en tenir compte aussi. Mais pour en tenir compte, il faut savoir de quoi on parle.
LES ALBUMS EN PREVIEW
(Extrait des dossiers de presses)
WINTER FREAKS Traque en haute montagne !...
La vie coule tranquillement dans un petit village de montagne. Quelques habitants vivent dans ce petit hameau isolé dans les neiges, et composé d'une poignée de maisons. Tous les âges y sont représentés, il y a la jeune fille et ses deux enfants, le couple de retraités, le vieux garçon, le type qui se prend pour Rambo...Et puis il y a un sympathique grand-père, qui ressemble au père noël. Tout pourrait être idéal en ce lieu lointain où la vie est paisible et l’air pur.
Mais voilà qu’un matin, les habitants découvrent qu’une des maisons a disparu ! Elle s’est purement et simplement envolée, et il ne reste que la trace des fondations dans la neige. Passées les premières stupeurs de la communauté, il est rapidement décidé d’organiser une expédition dans les alentours.
Mais lorsqu’ils reviennent, les villageois découvrent qu’une autre habitation s’est volatilisée !
La crainte s’empare alors des habitants qui craignent que ces vols étranges ne se poursuivent.
C’est à ce moment qu’un des enfants du groupe découvre un robot perdu dans les glaces…
Débute alors une traque incessante pour découvrir quel mystère se cache derrière ces disparitions, et pourquoi des humanoïdes sont présents dans les environs de cet endroit isolé, à proximité de neiges éternelles.
LES BANLIEUZARDS La banlieue a enfin sa BD !
Les banlieuZards est un album racontant en une page ou plusieurs les aventures quotidiennes de cinq garçons de toutes les couleurs : Dom-Dom, Léo, Abdel, Bruno et Gilles sont des galériens de cité qui vivent de vrais aventures rocambolesques dans leur quartier, au centre de JointVille. L’objectif de ces nouveaux Pieds-Nickelés est de séduire les nanas tout en faisant les 400 coups pour tromper leur ennui. Entre moto cross et vacances en Espagne, on retrouve tout l’art de vivre du lascar moderne dans son élément : le pavé urbain.
Le ton est acide et ouvre une nouvelle voie dans l’humour en BD : l’art de la vanne et de la tchatche. Les situations sont évidemment caricaturales et racontent les envies d’une partie de la jeunesse d’aujourd’hui : devenir chanteur, gagner de l’argent facilement, repousser l’échéance du boulot le plus loin possible…Bref faire de la vie une fête permanente !
Avec nos BanlieuZards, c’est pas encore gagné…
LE GENOME Un clone part découvrir le monde, armé de sa naïveté et de son innocence !
Un laboratoire perdu quelque part entre ici et ailleurs procède à d’étranges expériences de clonage. Plusieurs gamins sont clonés, et enfermés dans une salle de tests. L'un d'eux parvient à s'échapper. Il part courir le monde. Mais un clone, ça ne connaît pas le monde. Empli de toute sa naïveté et de son amour, notre clone va affronter l'univers impitoyable de la rue.
Son voyage initiatique va l’amener, en vrac, à rencontrer des personnes âgées qui grâce à lui vont se redécouvrir une seconde jeunesse, à fréquenter un cirque, à mendier, aussi.
Ces histoires pourraient être larmoyantes ou tristes, mais elles ont la rare qualité d’allier humour noir et poésie.