La BD à tous les étages – Bande dessinée (1964-2024) 6/6
Du 29 mai au 4 novembre 2024, le Centre Pompidou met la bande dessinée à l’honneur avec une programmation riche de plusieurs expositions. Exposition phare, Bande dessinée (1964-2024) revient sur soixante années de production à travers le monde.
Littéraire, la BD ?
La bande dessinée peut bien aboutir à un livre, elle n’est pour autant pas un genre littéraire. Mais elle entretient avec sa cousine une relation très intime. Une salle de l’exposition est ainsi consacrée à ces œuvres d’adaptation, parfois fidèles, parfois très personnelles. Pinocchio (Winshluss) y côtoie Gemma Bovary (Posy Simmonds), Des souris et des hommes (Rébecca Dautremer) et Dracula (Alberto Breccia).
Des villes et des angles
Deux salles concluent la visite.
L’une consacrée à la représentation des villes et à leur vertigineuse grandeur (que dire des planches des François Schuiten…). L’occasion d’admirer la maquette réalisée par Seth pour l’aider à écrire l’album Clyde fans.
L’autre à la géométrie (aux géométries ?) avec Chris Ware en vedette.
Bande dessinée (1964-2024) : qu’en retenir ?
Il ne s’agit pas ici de décerner bons et mauvais points. Mais, en guise de conclusion, un peu de nuance est toutefois de mise.
Autant commencer par le positif. Il ne faut pas bouder son plaisir et l’exposition proposée est une merveilleuse mise en avant de cet « art neuf », selon la formule de Benoît Peeters. Le titre de l’exposition pouvait laisser craindre une approche chronologique un peu rébarbative. Ce n’est pas le cas, avec plusieurs thématiques choisies et, surtout, une quasi-indifférence à la zone d’origine des œuvres. Mangas, comics, bandes dessinées dites franco-belges : tout ceci participe, au fond, du même mouvement artistique et cette unité dans la diversité est habilement soulignée. Il y en a globalement pour tous les goûts, avec un nombre de planches impressionnant et une sélection de haut vol.
Quelques points noirs viennent assombrir légèrement le tableau. De grands absents, d’abord : des pans entiers, pourtant importants en nombre et en qualité, ont été ignorés (ou presque) : le western, les récits d’aventure, l’heroic fantasy, la série B, les œuvres jeunesse contemporaines, etc. Plus globalement, c’est toute une production que certains pourrait qualifier de mainstream qui est absente. Certes, il fallait faire des choix (et aussi conjuguer avec les œuvres prêtées, tout simplement). Mais ces manques sont perceptibles. Les thématiques de chaque salle sont souvent intéressantes et bien construites. Mais elles apparaissent également, à certains égards, artificielles. Le visiteur peut ainsi avoir le sentiment que certaines œuvres ont été placées à un endroit précis faute de mieux.
Une question majeure, enfin : cette exposition marque-t-elle un tournant dans la légitimation progressive de la bande dessinée comme un art à part entière, et, dans la considération que lui accordent les musées ? Après l’entrée d’Emmanuel Guibert puis de Catherine Meurisse à l’académie des beaux-arts, après la chaire de création artistique de Benoît Peeters au Collège de France, s’agit-il d’une nouvelle étape ? Un élément interpelle d’emblée. Sans le concours et les nombreux prêts du fonds Hélène et Édouard Leclerc, cette exposition n’aurait jamais vu le jour. Et pour cause. Après la première acquisition d’une planche de bande dessinée par le Centre Pompidou en 2008 (une planche d’Hergé offerte par ses ayants droit), le 9ème art n’a pris aucune nouvelle place dans les collections du musée, qui est pourtant la première collection d’art moderne d’Europe. Laurent Le Bon, Président du Centre Pompidou annonce une stratégie et des acquisitions à venir. Il faut l’espérer car, preuve en est, la BD a sa place à tous les étages de ce lieu culturel iconique.
➤ Voir le site du Centre Pompidou.