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octeur militaire et pionnier de la chirurgie, James Barry (1789 – 1895) a marqué son époque et son métier. Posté au quatre coins de l’Empire durant sa carrière, il a été le champion de l’efficacité, un visionnaire au niveau des techniques médicales et un humaniste dans l’approche de son sacerdoce (il n’hésitait pas à soigner les pauvres et les autochtones, au grand dam de sa classe sociale). Exigeant et perfectionniste, il est également régulièrement entré en conflit frontal avec des collègues peu regardants sur l’hygiène, sa hiérarchie dont les décisions iniques le dégoûtaient et, surtout, avec des colons spoliateurs imbus d’eux-mêmes. Heureusement, quelques protecteurs hauts placés et un bilan professionnel sans tache lui ont permis de mener à bien sa mission. Ah oui, James Barry était une femme. Un secret jalousement gardé qu’elle avait réussi à préserver toute sa vie.
Formidable personnage qu’a décidé de raconter Isabelle Bauthain ! Au sein d’une Angleterre victorienne corsetée dans des conventions morales strictes, imaginer qu’une femme ait pu infiltrer l’armée d’un Empire triomphant est tout bonnement inconcevable ; c’est pourtant ce qui est réellement arrivé. D’ailleurs, il aura fallu plus de cent ans pour que l’administration accepte de lever les scellés des documents relatifs à cette humiliante « affaire ». Cependant, l’anecdote en elle-même s’avère finalement presque secondaire face aux apports incommensurables que la praticienne a fait en terme de modernisation de la médecine, autant techniquement (les premières césariennes sécuritaires, par exemple), que sanitairement et éthiquement. D’ailleurs, au-delà du ton logiquement féministe du scénario, Bauthain a pris le soin de mettre l’accent sur les réussites de son héroïne, démontrant ainsi que le talent et les capacités ne dépendent ni du sexe ou ni de l’origine.
Agnès Maupré se révèle être la dessinatrice idéale pour illustrer cette biographie mosaïque astucieusement découpée en petits épisodes plus ou moins chronologiques. Même si la personnalité de cette pionnière n’est guère comparable à celle du Chevalier d’Éon, elle retrouve néanmoins une thématique générale somme toute assez proche, à peine décalée de quelques décennies. Le découpage se concentre particulièrement sur les personnages, au détriment du cadre géographique, malheureusement. Dommage, car la province du Cap, là où se déroule la majorité du récit, aurait certainement apporté, de par sa majesté et son immensité, de la quiétude ou, du moins, un peu de sérénité entre deux scènes acrimonieuses. La gestion des couleurs très originale, parfois généreuses, parfois moins, laisse de l’espace au trait nu pour se montrer. Ce choix esthétique apporte une légèreté bienvenue à une narration marquée par les non-dits et une réelle violence se déroulant aussi bien sur le plan physique que psychologique. Cet accord éminemment fort entre les mots et les illustrations est à relever.
Très beau portrait historique doublé d’une captivante fable sur la frontière des genres, La vie mystérieuse, insolente et héroïque du Dr James Barry (née Margaret Bulkley) – joli titre à rallonge servant de mise en abyme – est une lecture à la fois dans l’air du temps et un sensationnel témoignage rappelant le long chemin nécessaire aux changements des mentalités.
Ce n'est pas la première fois que je lis une histoire d'une femme qui se fait passer pour un homme afin de s'engager dans l'armée et prouver sa bravoure. On va remplacer Mulan de l'empire chinois par le Dr James Barry dans l'empire britannique. C'est le même procédé.
Certes, le Dr James Barry est médecin militaire et doit soigner de graves maladies dans les colonies d'Afrique du Sud puis de l'île Maurice. Visiblement, il a une liaison avec le gouverneur qui est le seul à connaître son secret.
A la fin de l'ouvrage, il y aura tout un dossier historique qui confirme les faits et va même plus loin dans le détail de ce qui se passera après cette épisode de vie dans les colonies.
Je m'aperçois que l'auteure Isabelle Bauthian passe d'un genre à l'autre avec une extrême efficacité. Peu d'auteurs possèdent une telle qualité. Certes, il faut savoir sortir de sa zone de confort.
Pour en revenir à cette œuvre, on va avoir à faire à une surdouée en médecine qui trouve le reste du monde assez incompétent. Ce médecin va surtout contribuer à l'amélioration des conditions de vie des plus pauvres.
Un mot sur le dessin fin et élégant où nous retrouvons l'auteure du chevalier d'Eon dont l'aventure intrigante et romanesque m'avait fort captivé.
Au final, j'ai bien aimé ce beau portrait tiré de faits réels très équilibré et plein de ressources. Cela prouve qu'une femme peut être bien plus compétente qu'un homme même dans la médecine ou l'armée et qu'il ne faut pas leur interdire l'accès à ces métiers. Notre société a bien évolué depuis mais il reste encore du chemin à parcourir pour d'autres sociétés moins encline sur la place de la femme.