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Celestia

25/08/2020 5244 visiteurs 7.0/10 (2 notes)

L a "Grande invasion" a passé sa route et a fait de Celestia la millénaire un sanctuaire où survivent nombre de trafiquants en tout genre et une poignée de jeunes télépathes. Mais au-delà des murs invisibles de la cité lacustre, il existe un monde en reconstruction qu’il reste à découvrir pour Dora et Pierrot…

Sorti en Italie chez Oblomov Edizioni en deux temps, Celestia arrive en France en cette fin août 2020 grâce aux éditions Atrabile, mais sous la forme d’un one shot de deux cent soixante-douze pages.

Ce nouvel album de Manuele Fior peut déconcerter à plus d’un titre ! Tout d’abord, par sa temporalité indéterminée : univers parallèle, dystopie… ? Si finalement la question n’a pas forcément d’importance, elle demeure toutefois en suspens. Ensuite, par le lieu, cette ville rappelle Venise, mais une Sérénissime qui aurait perdu toute superbe, ne laissant subsister d’elle-même que de fantomatiques silhouettes résistant vainement aux assauts de l’acqua alta. Enfin, il y a ce mal dont personne n’a vraiment souvenir, mais qui a cependant conduit à l’éviction d’une humanité dont il ne persiste que quelques traces aussi inattendues que disparates.

Intuitivement, le dessinateur transalpin a mis beaucoup de lui-même, mais pour qui ne possède pas les clefs de son écriture, les aventures de Dora et Pierrot demeurent troublantes à bien des égards. Au fil d’un scénario qui ne cesse d’interroger sur sa finalité s’installe alors l’indicible désarroi de ne pouvoir appréhender qu’une infime partie d’un propos par trop riche, et ce faisant, de passer à côté de l’essentiel !

In fine, entreprendre la lecture de cet album implique de délaisser tout cartésianisme et de s’abandonner à l’uchronie onirique de Manuele Fior qui structure son récit au gré de thématiques qui s’agencent en un patchwork émotionnel relevant plus de l’abstraction que de la fiction. Ainsi en est-il de Celestia où les rêves architecturaux de Le Corbusier et Frank Lloyd Wright s’insèrent dans le palimpseste de pierre érigé par quelques disciples imaginaires de Codussi ou Longhena.

Cinq ans auront été nécessaires pour improviser Celestia, puis construire un récit énigmatique porté par une mise en couleurs à la gouache qui ne peut laisser insensible. À regretter néanmoins un format qui ne peut pleinement rendre compte des émotions, des espoirs comme des traumatismes qui traversent et animent le moindre des personnages.

Par S. Salin
Moyenne des chroniqueurs
7.0

Informations sur l'album

Celestia

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Note: 3.0/5 (16 votes)

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L'avis des visiteurs

    Erik67 Le 21/04/2021 à 07:23:48

    J'avoue avoir beaucoup de mal au début car tout ne nous sera expliqué puis progressivement, on voit se dessiner les contours de cette intrigue fort mystérieuse qui repose sur une île séparée du continent. C'est assez déstabilisant pour le lecteur mais il convient de tenir bon.

    En effet, le développement a été assez long mais c'est pour aboutir à une fin pour le moins très étrange dont certains aspects m'ont un peu échappé. Tout semble laisser à l'appréciation de chacun.

    Graphiquement, c'est assez épuré mais cela restitue une ambiance onirique et mystérieuse pour le moins intéressant dans une peinture à l’aquarelle vraiment remarquable. A noter une colorisation fort réussie au passage. Même les tranches de pages sont de couleur bleue. C'est très beau.

    Au final, Célestia demeure comme une œuvre assez singulière dont on peut trouver quelques charmes à la lecture. Oui, on ne restera pas totalement insensible.

    Flemeth Le 01/04/2021 à 12:46:07

    Visuel poétique et très accrocheur (magnifiques aquarelles qui plongent dans une ambiance tactile). Mais autant j'aime l'ambiance générale, autant je n'ai pas accroché aux personnages ni vraiment à l'histoire qui nous balade sans nous apporter de réponses. Déçue au final.

    Foret Fantome Le 17/12/2020 à 23:55:53

    MORT À VENISE

    Elle est belle cette couv d'un bleu ciel irréel, n'est-ce pas? Image d'un monde flottant. Deux survivants, une ancienne invasion devastatrice, des réfugiés sur une île italienne. Un groupe de jeunes gens doués de télépathie veulent remettre la main sur l'une des leurs. Plongée dans un monde dont le contexte nous échappe.

    Manuele Fior installe direct une impression de mystère dont on devra deviner les enjeux au fil de l'intrigue : comme une séquence d'ouverture de film noir style Le Troisième Homme, Pierrot s'invite discretement à une obscure réunion bien gardée. Non, non, on aime les masques à Néo-Venise, mais les coquins qui rêvent d'une société secrète façon Eyes Wide Shut faites demi tour, pas de ça ici déso.
    Premières pages. L'auteur inspiré convoque les codes tradis d'un récit post-apo qui vire au road trip, dans un environnement original, l'ambiance est immediatement séduisante. On pense à Hugo Pratt, bon déjà parceque tout se déroule dans sa ville de coeur où il finira ses jours : Venise, son dédale, sa magie imprévisible qui peut surgir à chaque coin de ruelle étroite typique, et aussi puis pour la liberté rebelle de ce Pierrot, jeune poète qui porte une blessure secrète, figurée par cette larme qu'il se tatoue sous l'oeil droit. On sent un véritable désir de dessinateur, qui convoque le Ghetto magique de Corto Maltese et les pouvoirs psychiques incontrôlables des enfants mutants d'Akira. On pense aux oeuvres SF du formidable Frederik Peeters, avec ses séries Lupus et Aama, pour ses mondes foisonnant animés par des forces qui dépassent les protagonistes, souvent des couples de héros malgré eux, qui doutent et qui doivent s'apprivoiser pour survivre. Fior fabrique un univers qui s'annonce vaste et plein de promesses...

    Mais passé trois pages, on apprend que les mots de passes et les lieux tenus secrets n'etaient qu'une illusion, et tel un Néo italien, notre poète est reveillé de la matrice par une voix, celle du leader de ce petit groupe d'apprentis télépathes, dont il fait en réalité partie. Epreuve? Manipulation? Comme pour de nombreuses séquences qui suivront, nous n'aurons pas de réponses. Les effets d'ambiance se susbstitueront aux enjeux. Sans rien divulgacher, en tous cas il n'y aura pas de Kung fu.

    On est porté par les très belles planches de Manuele Fior, qui s'amuse avec talent à jouer sur des motifs graphiques originaux : l'architecture venitienne historique et un design minimaliste très année 50, dont les lignes Lecorbusiennes contrastent avec le foisonnement des anciens palais, des voyous violents aux masques traditionnels de carnaval et une communauté d'enfants bienveillants livrés à eux-mêmes, gondoles et véhicules rétro-futuristes...

    Pourtant, faute d'enjeux bien établis et de caractérisation des personnages, le suspens n'affleure pas. Quelques séquences d'actions au découpage élégant, pourtant. Mais qui sont ces gens et que veulent-ils vraiment? On adhère malheureusement jamais vraiment au sort du moindre personnage, tant les motivations resteront floues. La ville fini par paraitre tristement vide. La jeune télépathe qui ne maitrise plus ses pouvoirs lorsqu'elle est apeurée sent le male gaze à plein nez, elle n'est jamais vraiment moteur de l'action. Un truc genant de chevalier sauveur et de princesse en détresse s'installe mais n'evoluera pas, c'est pas franchement moderne. Il y a une vague histoire de vengeance provoquée par
    la violence gratuite de Pierrot (ou du moins disproportionnée), une galerie de personnages secondaires croisés trop brievement lors d'un voyage dont on ne comprendra pas l'objectif, antagonistes et adjuvants défilent sur deux ou trois pages et laissent de plus en plus indifférents. Alors, forcement les maigres retournements semblent forcés. La construction du récit fini par presque ressembler à un exercice d'écriture automatique, mais on se dit qu'ils restent assez de pages pour que la sauce retombe sur ses pattes. On repense, optimiste, à 'Lapinot et les carottes de patagonie', écrit en freestyle en 10 mois par Lewis Trondheim pour se faire la main, donc tout est encore possible. Et puis la fausse ambiance intriguante qui faisait les prémisses excitantes d'entrée de jeu se dissipe de plus en plus, comme un mirage maladroit. Un peu comme la saison 2 de Twin Peaks. David Lynch quitte le navire et la magie s'envole avec lui.

    Des origines de la guerre a la maigre back story familiale de Pierrot, on ne révèlera pas grand chose, nous laissant sur notre faim, au mieux, au pire agacé...où est passé le show runner? Sans être un affamé de page turner, il y a un juste milieu entre la science feuilletonesque d'un Trondheim et la contemplation errante d'un Gipi. On atteint pas les modèles sus-cités. Ajoutant de la confusion sur de la confusion pour developper son recit, Fior fini même sur des contradictions lors du dernier acte. Comme tout univers dont les règles du jeux sont incohérentes.

    [spolier alert]
    Pourquoi fuir la ville pour y revenir alors que la menace est toujours réelle? Pourquoi s'y cloisonner alors que d'autres semblent tres bien vivre sur le continent? Pourquoi Pierrot est-il décrit comme le plus doué des télépathes et ne fera jamais usage de son don?? Comment s'y prend ce petit batelier muet pour revenir dans les eaux déchainées? puis disparait comme il est venu? O'scours mais par pitié! laissez-moi un commentaire si vous avez les réponses! En plus c'est un One shot d'après labebetheque.com. Comme c'est la première BD que je lis de cet auteur très populaire depuis '5000km par secondes' Fauve d'Or à Angouême en 2010, je serai curieux d'avoir les recommandations des connaisseurs sur ses autres livres.
    [fin de spoilage]

    C'est beau, on voudrait le suivre dans cette aventure, être captivé parceque tous les ingrédients sont là, et puis non, le souffle s'épuise pour laisser un sentiment de déception lorsqu'on renferme le livre. Sans avoir à préciser pour ne pas dissuader les fan du dessinateur de talent qui se laisseront tenter, selon moi il ne faut pas attendre beaucoup de ce volume pourtant épais. On aime lorsque l'épique se mélange à l'intime, la grande histoire avec la petite. Mais cet essai qui voudrait conjuguer paranormal et survival à travers la sérénissime m'a laissé sur le bord de la lagune bleue, avec goût décevant de 'beaucoup de bruit pour rien'.

    À Venise, on meurt surtout d'un ennui poli.