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annah est une militante. Au sein du groupe local du HAAV (Human Against All Violences), elle participe à de nombreuses manifestations pour dénoncer les dérives totalitaires du gouvernement : remise en cause des acquis sociaux, droits des personnes bafouées, implication dans de sales guerres, utilisant activement des armes chimiques.
Hannah est aide à domicile. Elle soutient Miss Phyllis, un vieille femme qui glisse doucement vers la mort.
Hannah est aussi une femme qui, avec son compagnon, Johnny, désire fonder son foyer : avoir un enfant et bâtir sa maison. Mais rien ne se passe comme prévu. Mois après mois, elle se retrouve face à un test de grossesse négatif et tente de motiver Johnny à enfin entamer la construction de leur maison, pour passer l'hiver entre quatre murs et sous un toit au lieu de l'arrière du camion qui leur sert d'abri depuis trop longtemps.
Eleonor Davis, remarquée dans les pages de Pandora, dresse le portrait d'une femme qui cherche sa place au sein d'une société qui semble sur le point de s'effondrer. Son héroïne lui ressemble. Comme elle, l'autrice milite pour les droits humains, l'environnement et une société plus juste. Toutes deux sont résistantes, mais sans être radicales. Elles sont aussi portées par un fort désir de maternité. Lors de la conception de son livre, l'artiste était elle-même enceinte. Elle a d'ailleurs achevé les dernières planches peu avant de donner naissance à son enfant. Ceci explique sans doute la passion qui transparaît dans ces pages. Elles racontent une histoire, mais traduisent aussi les aspirations de la créatrice. Avoir un enfant, c'est se projeter dans l'avenir. Certains refusent désormais d'en avoir face à l'incertitude concernant le futur : ce Hard tomorrow, comme le définit le titre original.
Au lieu de "lendemains difficiles", le traducteur a préféré rester dans l'instant présent, insistant sur ce monde terrible et beau qui est le nôtre. C'est un choix, qui suggère un relatif optimisme. Ce n'est pas incompatible avec le contenu du livre, intimement engagé. Plus qu'un récit de combat, il observe un couple qui tente de trouver sa place, refusant de s'adapter à une société qui semble bien mal en point. Eleonar Davis a de plus l'intelligence d'exposer d'autres points de vue à travers les amis d'Hannah et Johnny: la radicale Gabby et le complotiste Tyler.
L'intrigue se fait aussi violemment d'actualité quand il montre la répression mise en oeuvre. Lorsqu'une manifestation est réprimée par la police, il est difficile de ne pas penser aux témoignages de gilets jaunes. Les méthodes pour museler les activistes paraissent aussi trop familières, tout comme les délires paranoïaques qui pointent dans chaque camp.
En ces temps de confinement, Un monde terrible et beau trouve une résonance particulière. Il semble adresser une préoccupation essentielle : où va le Monde, et chacun d'entre nous avec lui ? Faut-il suivre le mouvement ou le moment est il venu de faire le fameux un pas de côté. Sans tomber dans le militantisme, il exprime clairement l'état d'esprit de l'autrice. En dépit de ses doutes sur le monde actuel et son inquiétude pour l'avenir, elle prône la foi dans l'avenir, parce qu'il y a déjà maintenant, dissimulé dans le marasme ambiant, des raisons d'espérer.
Ce roman graphique se révèle étonnamment sensible et dégage une vraie douceur, essentiellement grâce à son personnage principal, particulièrement touchante, complexe et humaine. D'une grande subtilité, il est simplement magnifique et s'impose d'emblée comme l'une des sorties essentielles de cette année.
Parfois, l'alchimie particulière qui doit unir une BD et son lecteur ne se réalise pas pour une multitude de raison. Là, il faut dire que j'ai été noyé par des dialogues assez insipides et un graphisme manquant incontestablement d'élégance.
Notre héroïne défend les droits civiques contre les inégalités économiques et sociales en allant manifester. C'est assez louable dans l'intention bien que parfois excessif.
Pour autant, si on s'accroche, on finira par aimer le couple vedette Hannah et Johnny qui essaie de construire une famille dans une société peu conciliante.
Moi, je n'ai pas été touché plus que cela car il manquait la maîtrise et la mise en scène adéquate. Cela fait très brouillon malgré un foisonnement de thèmes qui se succèdent de manière anarchique.
Une œuvre certes engagée mais pas comme je les aime.