« J’ai une tondeuse, une souffleuse, un aspirateur à feuilles et un garage pour ranger les outils dont je ne me sers pas. Parfois, à la fin de la journée, je m’ouvre une bière, je déplie une chaise, je regarde mon terrain, et je suis heureux. Le reste du temps, ma vie est comme celle du monde … plate. »
Il était une fois une famille d’aujourd’hui qui s’ennuie. Les parents et le fils. Ce dernier, geek à temps plein, affalé dans un fauteuil entouré des reliefs de chips et de soda, est content d’avoir les instruments lui permettant de faire de la musique, mais ça ne l’intéresse pas. Le père, André, est pleinement satisfait de son outillage de jardinage et de sa piscine « qu’on utilise une demie fois par année ». Danielle, sa femme, plutôt autoritaire, vit « au cas où ». L’ennui plombe ce foyer, dans lequel le choix d’une pâtisserie est vécu comme un acte héroïque. Le rythme journalier est dirigé par les émissions de télé, l’inconnu est craint et les individus ne communiquent pas. Jusqu’à ce qu’une invitation inattendue survienne et qu’un chien tente de traverser l’autoroute.
Sophie Bienvenu, romancière belge installée au Québec, propose son premier scénario de bande dessinée. Elle poursuit une œuvre sur son thème de prédilection : le couple. Comment il naît, s’installe, dépérît voire implose. Elle traque la mainmise du quotidien sur les êtres et des biens matériels sur les relations humaines. Elle illustre l’endormissement affectif et le repli sur soi. Elle dénonce le laisser-aller de chacune et de chacun, dans une perspective égalitariste et globale. Sur ce sujet, femmes et hommes, toutes et tous coupables. Son récit, mené avec rythme et rigueur, suscite d’emblée l’adhésion du lecteur et l’emmène dans une intrigue qui réserve son lot de surprises.
La Montréalaise Julie Rocheleau (La Colère de Fantômas, Laura Létourneau) met en image cette épopée domestique. Son trait vif et expressif brosse des atmosphères parfois oppressantes et des visages souvent fermés. Il se concentre sur les personnages au détriment des décors, comme l’exige le sujet de l’album. Il est surtout l’objet de véritables trouvailles visuelles. Adoptant un éventail de couleurs restreint, la dessinatrice livre des cases percutantes, synthétisant visuellement la tension d’une situation ou le désespoir d’un personnage.
Traverser l’autoroute ne bouleverse pas un genre ni n’épuise un sujet sans cesse interrogé, mais comporte suffisamment de qualités narratives et picturales pour retenir l’attention.
C'est une règle essentielle : il ne faut jamais traverser une autoroute quand on est à pied. C'est mortel. Pour autant, cela ne va pas empêcher notre héros ,un père de famille déprimé par la routine, de le faire pour pouvoir sauver une pauvre bête. J'avoue ne pas avoir crû à cette énorme imprudence commise même si c'est pour la bonne cause.
La lecture s'est révélée parfois un peu pénible à cause des expressions québecoises qui ne sont pas vraiment comprises par les français de souche. Une traduction aurait été un minimum. Mais bon, on parle bien la même langue d'où une économie substantielle pour l'éditeur souhaitant garder un côté authentique même si le scénario n'est pas crédible.
Pour le reste, c'est une sorte de crise pour sortir de la banalité quotidienne. Un père va tout faire pour renouer le contact avec un fils adolescent qu'il a perdu de vue. C'est un conflit de génération. Fort heureusement, il y a des choses qui peuvent rapprocher comme un animal de compagnie.
C'est une lecture qui s'est révélée assez plaisante au final dans un style graphique semi-réaliste assez dynamique. C'est assez sympathique mais sans plus.