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Bitter Root 1. Affaire familiale

03/02/2020 3801 visiteurs 7.0/10 (1 note)

D ans la famille Sangerye, je demande la matriarche, Ma Etta. Toujours calme, agile et combative malgré le poids des ans. Blink, la petite-fille qui remplacerait le temps passé à râper les racines par quelques bastons contre les Jinoos. Il y a Cullen aussi, le petit-fils, encore un peu tendre, mais qui ne manque pas de courage. Ford et Berg, les cousins efficaces ; le premier a tout du bourrin, solitaire, alors que le second possède un physique impressionnant qui contraste avec son phrasé élégant. Ou encore l'oncle Enoch, dont les connaissances en arts obscurs et magie noire risquent d'être appréciables. Dans un Harlem en pleine révolte, cette drôle de famille reste l'une des dernières protections contre le mal qui s'insinue dans chaque homme.

Dès les planches d'entame, le ton de cette série atypique et ambitieuse est donné : combats, monstres et humour. Une stylisation qui ressort au premier regard, tant dans les choix vestimentaires des personnages que dans la morphologie des bestioles grâce au trait, précis et vif, de Sanford Greene. L'artiste se montre généreux en terme de mouvement, de décors et de mise en scène, et appuie ainsi le rythme totalement échevelé. Cette frénésie d'action, mise en valeur par les changements de lieu au sein d'une même planche, a de quoi désarçonner pour qui ne serait pas attentif. Mais elle offre l'occasion aux auteurs de construire une exposition originale (et active) de chacun des membres de la famille, des dangers qui se présentent sur leur route et ainsi plonger au cœur de l'intrigue teintée de fantastique et touffue.

Placée dans un après-guerre gangrené par la ségrégation, au cœur d'un Harlem en plein renouveau, celle-ci se veut à première vue claire. Toutefois, un second niveau de lecture permet de percevoir dans l'origine du mal qui frappe la population, blanche, une métaphore du racisme et plus largement de discriminations de nouveau sur le devant de la scène aujourd'hui. Sans se muer en moralisateurs, David F. Walter et Brown Chuck parviennent à interroger sans lourdeur ni victimisation. Ils imaginent une véritable mythologie autour des Sangerye, de leur fonction et de leur historique qui accroche le lecteur malgré une narration éclatée, pas mal d'ellipses et une structure kaléidoscopique déroutante. Heureusement, chaque protagoniste est suffisamment bien caractérisé pour créer et maintenir l'intérêt ou éveiller la curiosité. Grâce à la colorisation vive de Sanford Greene et Rico Renzi, qui en atténue le côté gore, les séquences apportent les informations nécessaires à la compréhension. Une fois les cinq chapitres dévorés, les enjeux sont posés, les forces en présence connues et certaines questions soulevées. De quoi susciter l'envie de connaître la suite.

Prémices d'un divertissement engagé, Affaires familiales lance Bitter Root sur des bases solides. Du fun, de l'action et de la réflexion, chacun y trouvera son compte alors autant ne pas passer à côté d'une des bonnes surprises de ce début d'année 2020.

Par M. Moubariki
Moyenne des chroniqueurs
7.0

Informations sur l'album

Bitter Root
1. Affaire familiale

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Note: 4.7/5 (6 votes)

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L'avis des visiteurs

    Shaddam4 Le 05/02/2020 à 16:49:46

    Les « racines amères » font à la fois référence aux racines utilisées comme décontaminateur par cette famille de chasseurs de monstres et aux racines de la famille (… et aux racines raciales des noirs américains). La très jolie couverture en mode photo de famille ancienne est attirante. L’album comprend beaucoup de bonus finaux avec une dizaine de texte d’auteurs et universitaires parlant de l’album, de la place des noirs dans la BD, du rôle politique des œuvres imaginaires dans la lutte pour les droit des noirs américains et la symbolique du monstre. Assez pointu et pas les plus sexy, mais intéressants pour élargir l’horizon, ces textes sont une excellente initiative de l’éditeur qui permettent de comprendre la portée historico-culturelle de l’ouvrage. Le tout est bien entendu agrémenté de couvertures alternatives.

    Les monstres sont parmi nous! Incarnation des haines des hommes blancs, ils sont pourchassés depuis des générations par la famille Sangerye. Des noirs. Comme tous les afro-américains ils sont immunisés contre le mal… jusqu’à ce jour où une nouvelle forme apparaît, plus grande, plus forte et contre laquelle ils ne sont plus protégés. Lorsque le combat commence les tensions familiales refont surface et le sombre passé qui a vu certains des leurs périr…

    Après le très bon Coyotes les éditions Hi comics nous proposent une nouvelle illustration de BD ethnique (ou « Steamfunk » pour Bitterroot) que propose le pays du comic depuis quelques temps, en reflet d’une société plus multiculturelle que jamais et où l’archétype du super-héro blanc est définitivement passé de mode. Le changement c’est que l’industrie ne se contente plus de mettre des minorités dans des collants, elle permet à des team d’auteurs noirs de proposer des ouvrages proches de la blaxploitation (des ouvrages faits par des noirs à destination d’un public noir) et assumant la fierté noire. Sous la forme d’une longue baston digne des plus classiques Marvel/DC comics, l’allégorie d’un racisme transformant des blancs en monstres pourra en faire tiquer certains. Comme celle des hommes transformés en loup dans Coyotes, il faut comprendre le coup de gueule d’auteurs qui ne dénoncent bien entendu pas tous les hommes, tous les blancs mais ont choisi d’assumer une conflictualité que la lutte pour les droits civiques a permis de révéler au grand jour. C’est en disant tout haut ce que vivent une majorité de noirs que l’on cesse de minorer l’indicible. En système de miroir, l’équipe de Bitter Root montre visuellement la monstruosité que les racistes voient dans les noirs. Du reste l’équipe créative place son action dans les années 1920 et partiellement dans le sud profond avec une séquence de lynchage du Ku Kux Klan. Conscients du risque de mauvaise presse, ils montrent une rédemption de petit redneck après quelques mandales bien placées…[...]

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2020/02/01/bitter-root1/