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euxième moitié du mois de mai 1871, la Commune de Paris est sur le point de rendre l’âme. Avec l’aide des Allemands, les Versaillais entrent par la porte de Saint-Cloud et cheminent rapidement dans les différents quartiers. Cet ultime volume des Damnés de la Commune sera donc celui de la chute. Jour par jour, Raphaël Meyssan présente le déclin. La réplique des forces de l’ordre s’avère brutale. Les militaires exécutent sommairement les hommes, les femmes et même les enfants, tous sont enterrés sur place, au pied de la Tour Saint-Jacques, au parc Monceau, au jardin du Luxembourg, bref, un peu partout. Après des procès rapides, d’autres sont conduits dans des prisons insalubres, plusieurs y meurent de la fièvre typhoïde ou du scorbut. Enfin, les plus chanceux se réfugieront en Grande-Bretagne, en Belgique ou aux Pays-Bas.
La recherche du bédéiste est colossale. Certes, le chroniqueur relate les principaux événements, mais il s’attarde également aux toutes petites anecdotes, souvent glanées dans la correspondance de l’époque ; par exemple celle d’un gamin qui, au moment d’être fusillé, demande s’il peut aller porter une montre à sa mère, la permission est accordée et, contre toute attente, il revient quelques minutes plus tard subir son châtiment. Le reportage apparaît didactique, sobre et factuel. Au-delà du manuel d’histoire, il y a tout de même une véritable trame narrative alors que le scénariste raconte son enquête pour retracer le destin de Lavalette, un héros presque oublié. Le ton demeure essentiellement dramatique ; soulignons néanmoins, en tout début d’album, l’interaction facétieuse entre l’auteur et les révolutionnaires à qui il explique qu’il vient se documenter pour faire une bande dessinée sur l’insurrection et l’un d’eux de répliquer : « Je vous reconnais… vous êtes Tardi ! »
Le travail d’illustration est impressionnant. Plutôt que de sortir pot d’encre et pinceaux, l’artiste a amassé un vaste corpus de gravures qui lui permettent d’illustrer tous les lieux, de la place de la Concorde au jardin des Tuileries en passant par le boulevard Saint-Michel et d’avoir sous la main un grand nombre d’acteurs. Il lui arrive même de trouver la représentation de certains personnages sous plusieurs angles et d’avoir ainsi la possibilité de dynamiser une séquence. En fait, son façonnage se révèle habile et son appropriation des codes du neuvième art est totale, tellement que le lecteur finit par oublier le procédé et, tout simplement, par lire un bon roman graphique.
Raphaël Meyssan fait preuve de talent, d’audace et de créativité. Reste à voir quelle sera la suite des choses pour celui qui, jusqu’à présent, s’est exprimé en empruntant les images des autres.
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