« Il n'existe pas de nombres entiers strictement positifs x, y et z tels que :
x puissance n + y puissance n = z puissance n
dès que n est un entier strictement supérieur à 2. »
Proposé par Pierre de Fermat (1607 – 1665) sous la forme d’une brève annotation dans une marge des Arithmétiques de Diophante, cette hypothèse mathématique n’a été démontrée qu’en 1994 par le Britannique Andrew Wiles. Il aura donc fallu près de trois cents ans à la crème des mathématiciens pour arriver à une solution à ce problème. Une interrogation persiste cependant, est-ce que Fermat avait trouvé un résultat probant ? Et, le cas échéant, comment aurait-il fait puisque les outils logiques utilisés par Wiles n’avaient pas encore été inventés au XVIIe siècle ?
Entre deux albums (Le sortilège de la femme automate, Les nuits rouges du théâtre d’épouvante) sis au sein de l’univers des spectacles, Alexandre Kha avait abordé l’histoire des sciences dans Le théorème funeste. Même s’ils n’empruntent pas des voies similaires et n’ont pas d’objectifs communs, création artistique et recherche fondamentale se retrouvent néanmoins sur un point. Scientifique ou artiste se battent avant tout avec eux-mêmes pour essayer de donner un sens et une expression convaincante à leurs intuitions respectives. Wiles en est un exemple des plus parlants. Enfant précoce, il va passer une bonne partie de sa vie sur l’énoncé de son lointain prédécesseur. Son travail, une véritable lutte ponctuée d’échecs et de remises en question continuelles, n’aboutit qu’après des années de labeur.
Entre didactisme pur et dur et BD expérimentale aux dessins minimalistes, Kha réussit un excellent exercice de style. L’affaire débute presque naturellement dans un paysage à la George Herriman avant de croiser un peu de Stanislas et de Marc-Antoine Mathieu. Les plus observateurs remarqueront également l’ombre du grand M. C. Escher, le maître de l’illustration paradoxale et logique. Très habile, le dessinateur utilise à bon escient les possibilités de la bande dessinée pour expliquer et dépeindre les arcanes de l’arithmétique de haut-vol. Résultat, la lecture est engageante et il est extrêmement aisé d’en suivre le fil en dépit du niveau de complexité élevé du propos.
Vulgarisation scientifique d’excellente tenue, une mine de trouvailles graphiques et de nombreuses pistes de réflexions, Le théorème funeste s’avère être un ouvrage prenant et des plus stimulants intellectuellement.
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