C
ela commence par l'empoisonnement d'un cheval et l'évanouissement de son cavalier, un 28 juillet 2009 dans la baie de Saint-Michel-en-Grève ; puis deux chiens, des sangliers, des ragondins… Mais que se passe-t-il ? Qui est cet assassin invisible et à qui profite les crimes ?
Inès Léraud, journaliste et documentariste, s'associe au dessinateur Pierre Van Hove (Le voleur de livres) pour mettre en image son enquête sur un très sérieux problème écologique qui a fait scandale (et toujours en cours) : les algues vertes qui dégagent des gaz toxiques sur le littoral de Bretagne. Extrêmement documenté et détaillé, son compte-rendu met en lumière, de manière éminemment factuelle, la mauvaise foi et la politique de l'autruche manifestes et contagieuses des élus et surtout, des lobbyistes. Car dès que l'argent est dans la balance, tout le reste vaut peau de balle. Les différents événements se croisent ou se chevauchent, rendant la chronologie un peu chaotique. Qu'importe, le constat est effarant et reste le même : toutes les preuves du monde ne font pas le poids face aux enjeux économiques. Les multiples intervenants - défenseurs et accusés -, ont droit à la parole, cela fait donc beaucoup de personnages. L'abondance des faits, des acteurs et le ton froid rendent la lecture un peu lourde, il conviendra de faire quelques pauses pour ne pas que l'indigestion surgisse. En effet, plus de concision aurait allégé le propos, sans pour autant perdre de son impact. Il faut de toute de manière saluer cette volonté de dénoncer la bêtise et l'avidité humaine qui frisent l'inconscience.
Le graphisme léger accompagne agréablement le propos, avec des couleurs dans une dominante végétale verte et jaune, un peu monotone à la longue cependant.
Le jour où l'homme privilégiera l'intérêt commun plutôt que le sien propre… Plus d'aération et de synthèse dans le contenu copieux n'aurait pas nuit à l'impact des révélations de cette investigation édifiante.
Quand la BD met en lumière un scandale environnemental et sanitaire...
Avec plus de 200 000 exemplaires vendus en 2023, la BD de la journaliste Inès Léraud et du dessinateur Pierre Van Hove, publiée en partie dans la Revue dessinée en 2017 puis dans son intégralité par Delcourt en 2019, a contribué à mieux faire connaître la problématique des algues vertes en Bretagne.
En effet, Inès Léraud, privée d’antenne sur Radio France (qui lui donnait pourtant un rayonnement national), a utilisé ce médium pour faire le point sur le sujet : le potentiel mortel des algues vertes (en plus des nuisances environnementales, olfactives et visuelles), l’antagonisme entre les lanceurs d’alerte puis les activistes (riverains, scientifiques, écologistes, journalistes indépendants, associations comme Eaux et Rivières...) et ceux qui cherchent à occulter le problème, notamment pour ne pas « gâcher » la saison touristique (un certain nombre de nos « représentants » politiques, les préfectures, des syndicats agricoles comme la FNSEA, l’Agence Régionale de Santé...), les défaillances de l’État sous influence du lobby breton (club de grandes entreprises, qui n’a de breton que son assise territoriale, et qui peut notamment s’appuyer sur le président de la région Bretagne ainsi que des médias comme Ouest-France ou Le Télégramme...), l’histoire de la transformation de l’agriculture bretonne dans une dynamique « top-bottom » (mécanisation, remembrement, élevage intensif, pesticides...), la difficulté de changer les mentalités maintenant (alors que les agriculteurs ont déjà suffisamment de problèmes et que les pouvoirs publics n’encouragent pas la transition vers une agriculture durable)...
D’ailleurs, on sent aussi dans cette BD une diversité des approches sur les algues vertes, cognitives ou affectives... Les membres de la FNSEA par exemple n’hésitent pas à intimider férocement ceux qui font le lien entre l’eutrophisation des eaux bretonnes et l’agriculture intensive, lien causal pourtant scientifiquement avéré... Et on parle après « d'écoterroristes » ! Dur de débattre, de communiquer dans ce contexte... alors que les algues vertes (ainsi que le mal-être paysan) continuent de tuer, même si ce n'est que ponctuellement. Cessons la censure !
Certes, il y a quelques caricatures, qui concernent surtout les gros bonnets. Mais que ça fait du bien de se moquer de gens sans moralité, dont le leitmotiv principal est le profit, le capital. L’ouvrage a d’ailleurs l’avantage d’être parfaitement clair (les dessins vont dans ce sens), avec des organigrammes éloquents et une narration suffisamment élégante et approfondie pour que l’on comprenne les enjeux de ce conflit environnemental. En terme de couleurs, on ne s’étonnera pas de la dominance du jaune (celle des polars) et du vert... Les auteurs citent également leurs sources, ce qui est peu courant, même pour une BD documentaire. Le dossier en annexe rend l'enquête d'autant plus tangible...
Pour moi, cette BD est donc un indispensable, notamment quand on habite en Bretagne. Elle est d’utilité publique, elle est indépendante, elle est aussi un chef-d’œuvre de la BD du réel, une source d'inspiration pour d'autres BD. Il est d’ailleurs malheureux que les pires ennemis des Bretons soient parfois... d’autres Bretons.
Le film, tourné sur le personnage d’Inès Léraud et donc « l’héroïsant » (il y a d’ailleurs d’autres journalistes qui ont contribué activement à cette enquête), me paraît plus dispensable, même s’il a touché une population encore plus nombreuse (400 000 entrées en 2023). En ce sens et pour aller plus loin, je vous conseille plutôt le documentaire « Bretagne, une terre sacrifiée ».
Une enquête intéressante quoique légèrement indigeste, comme les algues en questions. Mais dans le genre BD documentaire sur un sujet austère, c'est certainement ce qui se fait de mieux.
Une BD enquête très instructive sur la collusion entre les grandes firmes alimentaires et les pouvoirs politiques en Bretagne.
La pollution liée à l'agriculture intensive provoque les marées vertes.
Marées vertes qui peuvent tuer par les effluves produites lors de la décomposition des algues sur les plages.
Ce scandale devenant un secret d'État.
Cette bd permet de dénoncer le scandale des algues vertes. En effet, les autorités sanitaires couvertes par le politique ne reconnaissent pas vraiment le lien de causalité entre les algues vertes et les problèmes de santé dont ont été victime plusieurs humains et animaux. Certains d’entre eux n’ont d’ailleurs pas pu se rétablir. C’est très grave mais cela reste encore contenu à une minorité de cas étalés sur le temps.
Le problème en l’occurrence est de protéger le tourisme en Bretagne pour en faire une région belle et accueillante. On ne va pas parler de ces algues qui tuent car cela entraîne inutilement la peur et la panique. C’est comme pour le coronavirus, il ne tuait soi-disant que des personnes âgées et faibles. Le médecin de 34 ans en très bonne santé qui avait été un lanceur d’alerte n’en a malheureusement pas réchappé. Les autorités l’ont d’ailleurs accusé de propager de fausses rumeurs au tout début de l’épidémie.
Finalement, on s’aperçoit que c’est exactement le même processus. Les autorités font dans le déni et la mauvaise foi. Certes, il y a des implications économiques mais c’est surtout pour protéger la filière paysanne accusée d’utiliser des engrais à la base d’une pollution créant ces algues grâce à des fertilisants. Les diverses réactions de la Fédération nationale des syndicats des exploitants agricoles m’a littéralement choqué dans leurs attitudes peu constructives et très agressives. Ils ont quand même réussi à jeter le doute sur une situation pourtant objective.
La démonstration qu’ont apportée les auteurs est très convaincante et sans appel. Ils ont même pris le soin de répertorier les preuves dans un dossier final assez bien documenté. Pour moi, c’est du très bon travail journalistique. Grâce à cette bd, je suis désormais sensibilisé sur ce problème de santé publique qui reste encore assez méconnu du grand public.
Une enquête instructive sur les problèmes sanitaires engendrés par les algues vertes. Pas de grandes révélations si on a déjà lu des articles sur le problème, mais des critiques sur la gestion de la crise par les différentes autorités et sur l'omerta des pouvoirs publics qui chercheraient a cacher la dangerosité des émanations. Les auteurs accusent de manière un peu trop direct les politiques et les entreprises agroalimentaires de collusion. Certes le monde n est pas parfait, mais cette enquête est un peu trop partisane. Mais cela a le mérite de faire réfléchir sur notre société.
Une enquête minutieuse au cœur d'une région dépassée par ses enjeux économiques et sociales qui préfère taire un risque sanitaire avéré afin de préserver son attractivité touristique et l'économie de son secteur agro-alimentaire (exploitants agricoles et industriels).
Espérons que la triste actualité récente, avec la disparition d'un jeune ostréiculteur dans la baie de Morlaix en début de mois (probablement intoxiqué lui aussi par ces algues tueuses et leurs émanations d'H2S), va remettre toutes ces "découvertes" à la lumière du grand public et que cette fois-ci les autorités arrêteront de faire l'autruche !
Une BD aussi passionnante qu'édifiante !