D
e la révolution cubaine, l'Histoire aura retenu l'image romantique d'Ernesto « Che » Guevara, les discours enflammés et la poigne de Fidel Castro et la versatilité du voisin américain. Pour le plus grand plaisir des férus d'Histoire et de bande dessinée, Gani Jakupi offre une plongée au cœur de cette guerre.
Entre réalité et fiction, l'artiste narre la trajectoire d'un combattant aux idées claires qui trouva dans cette lutte une manière de s'accomplir, une cause à défendre, des amis et l'amour. C'est au milieu des montagnes de l'Escambray que William Morgan s'enrôlera auprès d'un autre étranger, l'espagnol Elroy Menoyo. À force de détermination et grâce à son enthousiasme, le Yankee gagne la confiance des barbudos du Segundo Frente. Au cours de douze années de recherches, l'auteur kosovar réunit une masse d'informations incroyable, qu'il ordonne de manière chronologique. N'occultant aucune interaction, son récit tend à dépeindre la complexité de cette guérilla en donnant à chaque protagoniste la place qui lui revient. Tentant de décrire, autant que faire se peut, le déroulement des faits marquants, il égratigne au passage la personnalité du « Che » (bien loin de la sympathie véhiculée aujourd'hui), n'occulte pas le rôle des États-Unis ni les luttes intestines entre les divers leaders des forces de rébellion.
Évidemment, un tel condensé de personnages, de lieux et d'événements rend l'entreprise ardue. Malgré certaines ellipses qui hachent la lecture, l'artiste fait preuve d'une réelle application dans ses compositions et son découpage. Le choix des couleurs directes permet d'apprécier le travail sur les ambiances et, même si certains visages manquent parfois de précision, la belle constance dans le dessin. Au-delà du destin de l'américain, le créateur de La Dernière image balaie, en près de deux cents planches, un peu plus de trois ans d'un conflit dont les conséquences se prolongent encore aujourd'hui. Par cette histoire, à la fois enquête, fiction et hommage, le scénariste de Retour au Kosovo de brosser le portrait d'hommes intègres, souvent inconnus, guidés par de forts idéaux. Enfin, grâce au (généreux) dossier en fin d'ouvrage, l'après 1961 des protagonistes est détaillé, ainsi qu'une liste pléthorique de références, pour qui voudrait creuser la période.
Gani Jakupi fournit un travail riche et documenté, qui fait de son El comandante Yankee une œuvre dense et Il livre un bel hommage à William Morgan et ses frères d'armes.
NdC : Pour accompagner cette sortie, les éditions de la Table Ronde se sont associées à Aire Libre et publie Enquête sur el Comandante Yankee
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