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epuis la fin du deuxième grand conflit mondial, s’inspirant de recherches menées par l’ingénieur algérien Idras Belkacem, la France a développé les Atlas, des robots gigantesques utilisés pour effectuer des travaux très lourds, allant de la construction d’immeubles à celle de navires. Le programme, immensément populaire a cependant été brutalement interrompu par la catastrophe de 1975 à Batna, pendant la guerre d’Algérie. Quarante ans plus tard, les gens se souviennent de ces titans qui portaient tous le nom d’un écrivain français, les nostalgiques ont encore leurs cahiers dans lesquels ils collectionnaient les photos des membres des différents équipages.
Pour le citoyen lambda, les mastodontes constituent un lointain souvenir, c’est aussi le cas pour Ismaël Tayeb, un petit escroc qui sème la terreur dans les bars de Nantes où il exploite des machines de jeu clandestin. Le truand s’efforce de ne pas faire trop de vagues, jusqu’à ce que son patron lui confie pour mission de lui procurer une pile nucléaire. Une telle technologie ne se trouvant pas à tous les coins de rue, le délinquant a l’idée de voler celle du dernier automate, le Georges-Sand, oublié en Inde. Parallèlement, d’étranges phénomènes sismiques se produisent dans le désert maghrébin.
Pour réaliser cette bande dessinée, Fabien Vehlmann et Gwen De Bonneval bénéficient d’un rare luxe : de l’espace. Le premier tome compte 205 planches, et deux autres sont prévus. Ils imaginent un scénario complexe avec des ramifications sur trois continents. Un assassinat sur la place royale à Nantes est lié à des magouilles immobilières en Asie, lesquelles sont indissociables de l’éveil de l’automate et probablement corrélé aux mystérieuses migrations des oiseaux en Afrique. Le récit est animé par une galerie de protagonistes, au premier chef les bandits, mais également des policiers qui observent le tout sans vraiment comprendre, une journaliste qui en sait trop, sans oublier un groupe de vieillards, mémoires vivantes du fonctionnement du géant d’acier. Il va de soi que les motivations convergent pas toujours.
Le projet a d’abord été publié sous la forme de dix fascicules livrés en autant de mois. L’esprit du feuilleton se retrouve dans ce script aux multiples rebondissements. Le duo d’auteurs donne des indices, entame des intrigues en apparence secondaires, présente brièvement des personnages finalement pas aussi insignifiants que le bédéphile le croyait ; bref, il joue avec son lecteur. Ce dernier demeure bien conscient que tôt ou tard les pièces du puzzle se joindront pour former un tout cohérent. Le scénariste amorce d’ailleurs ce travail d’assemblage dans une postface où il explique comment le cours de l’humanité a dévié en 1925, alors qu’un scientifique nord-africain a révolutionné l’enseignement des sciences à Alger. Peut-être aurait-il été préférable de donner en début d’album cette information qui contextualise l’histoire, notamment en réécrivant les liens que la métropole a entretenus avec ses colonies pendant un demi-siècle.
Hervé Tanquerelle propose un dessin semi-réaliste de belle qualité. Ses acteurs sont abondamment ridés, gros ou rachitiques, leurs seins pendouillent, pour tout dire, ils sont souvent mal fichus ; cela dit, ils ont du caractère. L’artiste croque par ailleurs avec justesse les lieux connus et illustre avec réalisme ceux qui le sont moins. Efficace, il ignore parfois les décors pour éviter de distraire le lecteur et mieux l’inciter à se concentrer sur l’action. Les planches, présentant rarement plus de trois ou quatre vignettes, offrent aux illustrations toute la place dont elles ont besoin pour s’exprimer.
Un excellent roman populaire, au croisement du polar, de la science-fiction et du drame politico-historique, conçu par des bédéistes qui savent construire un récit.
J’ai mis du temps à mettre mon nez dans cet album. Pas forcément attiré par le graphisme, un peu rebuté par ce robot… Je me demandais bien ce qu’il venait faire dans ce qui ressemblait pourtant bien à un polar.
C’est plutôt à une uchronie que nous avons affaire ici. Et je dois bien dire qu’elle est diablement efficace, rythmée et suffisamment bien ficelée pour qu’on ait l’envie intense de lire la suite, et vite !
Ce petit voyou de bas étage, Ismaël, est intéressant, complexe et on s’attache très rapidement à lui et la quête qu’il semble devoir assumer, coûte que coûte !
Donc oui je suis en retard sur ce premier tome mais je vais vite me rattraper sur le suivant, en attendant la conclusion impatiemment !
Quand j’ai commencé cette bd, l’action se situait en plein désert algérien puis on a enchainé avec une autre scène qui se passe certainement à Paris mais ce n’était pas précisé et du coup, j’étais perdu dès le début de ma lecture. Il est en plus question d’un gros caïd qui revient au pays. Bref, un peu de précision n’aurait pas fait de mal pour ma compréhension.
Par la suite et pour corser le tout, je n’ai pas réalisé tout de suite qu’il s’agissait d’une uchronie sur la situation de notre pays face à l’Algérie. C’est tout à la fin de l'ouvrage qu’il y a un dossier qui explique le déroulé de cette uchronie. Dommage de ne pas avoir pu bénéficier de cette information auparavant.
Vous aurez compris que la lecture a été plutôt délicate. On peut faire mieux voir beaucoup mieux. Dans ce récit, je déplore un manque de construction logique et précis. Si on ne pose pas de bons jalons, on peut perdre une partie du lectorat.
Ceci dit, je resterai indulgent dans ma notation car j’ai tout de même passé un bon moment de lecture avec cette histoire plutôt originale où les hommes ont construit des robots géants avant d’arrêter leur fabrication.
Le Dernier Atlas a réussi à mélanger habilement plusieurs univers qui, a priori, ne sont pas tellement fait pour être ensemble. Il en ressort un album maitrisé, au background très complet qui, tout au long des quelques 200 pages, a pu se mettre en place efficacement. Les personnages sont également bien travaillés, chacun ayant un vrai rôle à jouer dans l’histoire.
En revanche, je trouve que le dessin est un peu inégal. On peut découvrir de superbes planches très bien réalisées et puis se retrouver face à des cases vides, aux airs bâclés. C'est dommage…
Le tout est quand même vraiment prenant et avec les évènements qui se déroule vers la fin, on se demande ce que les 2 prochaines tomes de ce tryptique vont nous réserver.
J'espère juste que les auteurs ne vont pas trop s'éparpiller et qu'il restera une certaine cohérence dans l'histoire.
Depuis un moment, mon libraire insiste pour me faire lire « le dernier Atlas », une pépite selon lui. Je l’ai feuilleté puis reposé. Cela ne me disait rien. Et puis, je suis tombé dessus à la médiathèque et j’ai commencé à le lire pour vraiment m’en faire une idée et je ne l’ai plus lâché !
Le début de cette histoire est pourtant assez banal : un petit truand de Nantes, Ismael Tayeb qui magouille dans les machines à sous. On pourrait facilement tomber dans le polar avec une guerre des gangs, que nenni ! De mystérieuses migrations d’animaux dans le désert algérien viennent bouleverser la vie de Tayeb.
Autour de Tayeb, gravite une galerie de personnages assez étonnants : Martin et Jean Legoff pour la pègre, Françoise, l’ancienne journaliste au « canard enchainé », sans oublier les anciens du « George Sand », le dernier Atlas, robot hors norme dédié à la construction.
Sur les conséquences de la fin de la guerre d’Algérie, cet album nous entraine en fin de compte dans une uchronie française étonnante, qui finalement nous est révélée dans le dossier présent à la fin de l’album.
J’ai suivi avec une certaine fascination l’histoire de Tayeb, qui au fil des chapitres, s’affirme de plus en plus et finit par s’émanciper de la pègre nantaise. Ce premier opus de cette série (qui en comptera 3) est littéralement addictif. J’en ai pour preuve que mon fils m’a emprunté, à son tour cet album, et lui qui lit rarement des bd, l’a dévoré d’une traite. Les auteurs confirmés (Vehlman, de Bonneval, Tanquerelle & Blanchard) nous livrent là une histoire digne des meilleures séries TV : aucun temps mort, on passe d’un personnage à l’autre, d’un continent à l’autre avec une facilité déconcertante de lecture.
Après avoir lu ce premier opus dans sa version standard (en couleur), j’ai finalement acheté la version noir et blanc , en tirage limité, de canal bd. Cette version est splendide (ce qui n’enlève rien au travail remarquable de la coloriste, Laurence Croix) et met en valeur le dessin d’Hervé Tanquerelle, que je rapproche ici du dessin de Frédéric Peeters, période « RG », comme le souligne également Jérôme Briot dans le magazine Zoo (mars/avril 2019). J’ai lu que canalbd allait continuer à éditer les deux volumes suivant en noir et blanc, je m’en réjouie d’avance.
Cet album est une des meilleurs sorties de ces derniers mois, et tranche avec la production actuelle.
Dépaysant, original et addictif, bref une réussite.
J’ai avalé "Le dernier Atlas" d’une traite, exalté par cette fusion assez inédite et parfaitement réussie de polar, uchronie et fantastique.
Le scenario, découpé en 10 chapitres, est d’une habileté redoutable. Fluide et nerveux, avec son background réaliste, il est étonnamment crédible. Ainsi, des robots géants à piles nucléaires y côtoient des gangs mafieux à Nantes et des phénomènes paranormaux en plein désert… et tout cela parait d’une logique limpide. Non seulement ça fonctionne mais c’est addictif ! Tous les personnages sont clairement identifiés et bien développés, aussi bien physiquement que psychologiquement. Les décors, nombreux et variés, sont très immersifs et participent aussi à l’attrait de l’ensemble.
Quant au dessin de Tanquerelle il ne plaira peut-être pas à tout le monde mais pour ma part, je l’ai trouvé audacieux et brillant. Enfin, les couleurs de Laurence Croix sont comme toujours magnifiques. Bref, un grand et beau moment de lecture !
Un album que je recommande à tous sans hésitation. Et vu la qualité et la densité de ce travail, je n’imagine pas un 2° tome de moins bonne facture… Dupuis a frappé fort ! A coup sûr une future référence.