C
omme beaucoup d'adolescents, Sydney se sent mal dans sa peau. Elle est trop grande, trop maigre, a des boutons et ressemble à un garçon. En plus, sa meilleure copine traine avec un type violent qu'elle ne peut pas saquer. Ce n'est pas auprès de sa mère qu'elle trouvera du réconfort, celle-ci reste engluée dans la perte de son mari. Pour couronner le tout, les autres lycéens se moquent d'elle, alors elle trouve un certain échappatoire dans l'herbe de Stan et dans les bras de Ryan, une barmaid qu'elle connait à peine. Pour faire plaisir à la conseillère de son école, elle couche dans un journal ses tourments, ses hésitations et ses frustrations, bref, sa vie quoi.
Avec une impressionnante sobriété, Charles Forsman (The End of The Fucking World, Hobo mom) brosse le portrait d'une jeune Américaine qui, finalement, symbolise à elle seule l'universel et profond malaise que beaucoup de teenagers éprouvent. L’histoire de Sydney est tellement ordinaire, elle se cherche, voudrait combler le vide et tuer l'ennui qui l'habitent, et enfin, trouver un sens à son existence. Le lecteur assiste à sa quête identitaire et ressent sa déprime. Chaque épisode laisse apparaître des indices de cette dépression subtile et puissante. Avec acuité, l'auteur décrypte l’origine des errances, des démons et de la confusion des sentiments. La force du scénario se révèle dans le décalage entre les situations dramatiques et le détachement du ton du texte, faisant naître le trouble, mais, pas d'apitoiement, juste de la tendresse et de la compréhension.
La partie graphique est un modèle de simplicité et d'efficacité : des gaufriers de quatre, deux ou une seule cases, du noir et blanc et un décor dépouillé. L'artiste figure des ronds pour les têtes, des points pour les yeux et des membres allongés. Ainsi, l'héroïne a des airs Olive, la femme de Popeye, avec sa silhouette élastique et son petit bout de nez.
Pauvre Sydney illustre parfaitement cette période de doute et parfois de souffrance qui étreint tout à chacun au sortir de l’enfance. Sous son apparence anodine se cache une tempête d'émotions.
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