P
etite bande de terre d’à peine quinze kilomètres carrés, Groix est devenu au cours du XXe siècle une destination touristique de premier ordre. Ceci dit, une fois la saison passée, bien peu reste sur l’île alors que le vent et les vagues reprennent de la vigueur. Bien qu'il ait grandi sur le continent, Prosperi Buri est un descendant d’îliens qui a su écouter les anciens et retenir légendes et autres fables du cru. Entre racontars et histoires pour faire peur aux petits, il présente cet endroit unique, ainsi que des bribes de son passé dans Insulaires.
Même si l’album repose sur une mythologie reconnue, ce florilège de récits parus précédemment dans Lapin et aux éditions Warum pour La mongolfière ne verse absolument pas dans l’ethnologie ou le l’anecdote régionaliste. Un témoignage certainement, mais il s’agit surtout d’une relecture décalée et pimentée de fiction d’un univers chéri, celui de son enfance et de ces longues vacances d’été passées chez sa grand-mère. Tour-à-tour effrayante, comme ce korrigez voleur de couffin, et hilarante (« Ce fameux engin donnera à Groix sa place dans la course aux étoiles ! »), la balade est savoureuse et vivifiante grâce aux embruns qui viennent vous caresser le visage. De plus, la variété des styles – conte, brève, parodie, etc. - rend la lecture agréable et toujours changeante, "comme la météo" diront les plus taquins.
Graphiquement, le résultat est également fluctuant. En effet, Buri ne s’est pas encore totalement émancipé de ses influences : Gébé, Jean-Christophe Menu, voire François Ayrolles se font remarquer au fil des pages. D’un autre côté, le rythme et le découpage se montrent très affûtés ; l’auteur sait raconter en image, c’est indéniable.
Portrait moqueur et sincère, Insulaires, petites histoires de Groix n’épargne personne tout en n’étant jamais méchant. En bref, un excellent ouvrage sérieusement déconnant à conseiller à tous les amoureux de la Bretagne.
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