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eudon, 1960. Louis-Ferdinand Céline est vieillissant et misanthrope. Peut-être ne le sait-il pas, mais ses jours sont comptés. Un peu médecin, un peu écrivain, assurément rêveur. Il repense au passé, à Élisabeth Craig, son premier amour, à ses débuts littéraires et à son antisémitisme (qu’il renie du bout des lèvres). Mais il y a aussi le présent : sa compagne Lucette, quelques malades, son racisme qui semble dorénavant tourné contre les Chinois, un couple de jeunes délinquants qu’il prend plus ou moins sous son aile, sans oublier Rigodon, son ultime roman.
Il se dégage de ce projet, signé Jean Dufaux, une profonde mélancolie. L’atmosphère se révèle lourde, le vieillard est accablé, en colère et amer. Il est pour tout dire franchement antipathique. La structure du récit est décousue ; au gré des souvenirs du héros, le lecteur bascule d’une époque à l’autre. Cela dit, ce va-et-vient ne pose aucun problème de lecture. Le résultat n’est pas dénué d’intérêt, même si la trame narrative s’avère mince ; mais là n’est pas l’enjeu de cette bande dessinée qui, par petites touches, dépeint les états d’âme d’un vieux monsieur aigri. Il s’agit d’un homme de lettres célèbre, mais ce pourrait aussi bien être son voisin.
Jacques Terpant se met au service du texte. Le ton de l’ouvrage est réaliste et il en va de même pour les illustrations. C’est donc avec retenue qu’il dessine l’auteur de Mort à crédit, les gens qu’il a croisés et les lieux qu’il a fréquentés. Bien que l’album fasse appel à la couleur, les vignettes sont presque toutes en bichromie. En fait, les pigments s’imposent comme une des composantes de la narration. Le jeu de teintes découpe les différentes époques : noir et blanc pour le présent (1960) ; rouge pour les balbutiements du XXe siècle jusqu’à la Première Guerre ; sépia pour la période allant de la publication du Voyage au bout de la nuit (1932) à la Deuxième Guerre et vert lorsque l’acteur se perd dans ses songes. Dans tous les cas, les coloris foncés accentuent les désillusions et le caractère ombrageux du protagoniste.
Dans Le chien de Dieu, la voix du biographe est juste et sensible. Pas d’hagiographie ou d’assassinat, simplement le portrait d’un être profondément banal et malheureux qui n’a pas compris qu’il vaut parfois mieux se taire.
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