A
r-Men, pour tous les amateurs de la mer, ce nom est synonyme d’espoir dans la tempête. Ce fanal miraculeusement accroché à la roche tout au bout de l’île de Sein est l’exemple par excellence du phare. Il signale la côte pour éviter les naufrages, mais, surtout, symbolise l’ultime étape avant le grand large et l’inconnu. Pendant près de cent-cinquante ans, ce sont des hommes, par équipe de deux, qui ont veillé à ce que sa lanterne fonctionne coûte que coûte. Seuls à l’intérieur de leur tour, ces gardiens, plus vraiment des terriens, mais nullement des marins pour autant, faisaient face l’océan et à eux-mêmes.
Après les mers australes et la steppe radioactive, Emmanuel Lepage est resté plus près de chez lui pour raconter Ar-Men. D’un côté, il parle de sa création et de son impossible construction qui prendra finalement plus de quinze ans. De l’autre, il décrit ces étranges individus dont le métier était d’en assurer la bonne marche, quitte a y rester cloîtrés des semaines durant. Conte fait de pierres, de flammes et d’âmes, l’album se lit comme un livre d’Histoire ultra-réaliste et fantasmagorique. Personne ne côtoie Poséidon aussi longtemps sans en payer le prix ! Regardant autant vers le passé que dans le présent, le scénario entraîne le lecteur dans un voyage immobile où les coups de vent et les déferlantes font office d’épreuve et de moments de vérité. Si on vient ici dans le but échapper à quelques fantômes, le sel et l’humidité ont vite fait de vous mettre à nu. Alors, inutile de lutter, acceptez votre lot, de toute façon, la prochaine marée ou bien celle d’après, emportera tout sur son passage.
Pour les illustrations, Lepage sort une nouvelle fois le grand jeu et offre un impressionnant récital iodé. Le résultat est tout bonnement grandiose ! Grandes marines aux couleurs envoûtantes, petit détour par l’Art Nouveau le temps d’un arrêt à la légendaire cité d'Ys, des passages de BD plus classiques également maîtrisés, etc., les quatre-vingts pages se lisent d’une seule traite. Ce mélange des styles accommode parfaitement la succession des époques et des niveaux narratifs. Grandes déclarations publiques ou aveux intimistes, le dessinateur trouve immanquablement la formule pertinente pour faire passer son message.
Œuvre totalement aboutie, Ar-Men l’enfer des enfers va bien au-delà de son sujet principal. Emmanuel Lepage réalise là un véritable tour de force dessiné.
Dessin sublime comme toujours chez Lepage, avec mer en furie et ciels tourmentés, comme les héros dont le mal-être se conjugue avec les éléments.
Mais ce récit n'apporte pas grand chose au mythe du gardien de phare.
Je comprends qu’on puisse aimer la Bretagne au point de louer cette région avec une certaine vénération. La fascination de la mer et des vagues géantes venant se fracasser contre les rochers ainsi que des phares isolés ont manifestement attiré toute l’attention de l’auteur.
Il y ajoute du folklore locale comme la fameuse ville d’Is ou encore les légendes arthurienne et le fameux Merlin l’enchanteur. Il mélange tout cela avec un récit très réaliste sur deux gardiens bien courageux du phare d’Ar-Men, l’un des plus hostiles au monde. Le dessin avec ses magnifiques aquarelles est si envoutant que cela prend réellement forme. Bref, le tour est joué.
Pour autant, je ne crierai pas au chef d’œuvre car ce sujet a déjà été exploité dans la bande dessinée à de multiples reprises. Certes, c’est réalisé avec brio et talent mais contrairement aux autres bd documentaire de l’auteur, le propos est plus pauvre pour laisser place à la poésie du déchainement des éléments marins. C’est presque poétique dans une phase de contemplation.
Ce n’est pas à mon humble avis la meilleure bd de l’auteur mais elle ravira les amoureux de la Bretagne. A quand une même vénération pour l’Alsace ?
Cette bd est tres bonne et j'ai voulu m' acheté la version GF à 165 euros . Grosse erreur ! A part le dessin qui passe de 29 à 35 cm de hauteur ( et qq uns en largeur ) et un ex libris signé par l'auteur , il y a ZERO bonus !!!! même dans la bd d'origine il y avait un dvd en bonus ...
Le dessin de Lepage toujours aussi fort et lyrique illustre parfaitement cet album qui conjugue docuBD, légendes, émotions intimes et Histoire. Le réalisme magique en BD .
Dans Ar-Men, Emmanuel Lepage prend le partie de mélanger plusieurs époques – légende, réalité, fiction – pour nous offrir une vision exhaustive du phare d’Ar-Men. Les parallèles sont bien vus mais il est parfois un peu difficile de garder le fil conducteur. Toujours est-il que l’aspect documentaire de cet album (construction, vie des gardiens, abandon) est assez passionnant et les planches sont superbes, surtout celles présentant le fracas des vagues sur le phare.
Emmanuel Lepage a publié un chef d'oeuvre. Etant breton, je ne suis pas insensible à cette BD par le sujet abordé mais j'ai vraiment était estomaché par ce travail. Certaines planches sont de vrais tableaux à l'aquarelle qui changent des habituelles photographies que l'on peut connaitre. Magnifiques perspectives. De plus, pas évident au premier abord de créer un scénario sur un phare et Emmanuel Lepage s'en sort très bien. J'ai même été ému par cet album. Pour finir, un super DVD qui faire poursuivre notre immersion dans ce milieu. Travail exceptionnel.
Cet album, quasi-impossible à pitcher mêle les genres et c'est réussi.
Le récit semble dès le départ terre-à-terre même si on parle d'un phare mais, très vite l'intrigue se développe et gagne en profondeur. On découvre ainsi des récits dans le récit et l'histoire des personnages qui mènent au climax de l'album. C'est très bien écrit et plein de passion et d'émotion.
Le dessin est joli mais je retiens les couleurs qui sont d'une rare beauté en BD.
Emmanuel Lepage, perso, moi je connais pas. Mais la Bretagne, j'aime bien, les phares, j'aime bien, cette BD est mise en avant par ma grande surface culturelle habituelle que je ne cite pas pour pas faire de pub, autant que par ma librairie Le Grenier à Dinan que je cite pour faire de la pub, et puis j'aime bien l'idée du DVD offert avec la BD.
Alors j'achète. Enfin non, je me fais offrir.
Et puis voilà, lendemain de réveillon, je commence par le DVD avant la BD, ça y est, je sais tout sur Ar-Men, son histoire, sa construction. Mise en bouche. Alléchant. Intéressant. Et même plus, merci Thalassa.
Et puis enfin, je lis. Petit malaise. Petite déception. Alors je relis. ça y est, j'ai compris. Il faut sauter la dizaine de pages sur la légende d'Ys. Perso, quand je m'intéresse aux gardiens de phare, je ne m'intéresse pas au Roi Arthur. Je n'aime pas le mélange des genres. Et alors là, oui, c'est magnifique. C'est prenant, fascinant, envoutant, effrayant. Un scénario qui nous emmène au creux des lames, en haut du phare, et puis un dessin splendide. Ar-Men quoi. Magnifique. Emmanuel Lepage, maintenant, je connais. Et je me rappellerai du nom !
Il y a des séries qui ne parviennent pas sur plusieurs tomes à faire vivre un personnage. Ici cet album parvient en à peine 90 pages à nous immerger totalement dans la vie de 2 personnages. Mais Emmannuel Lepage ne se contente pas de nous conter la vie tragique de ses 2 héros, il nous apprend l'histoire surprenante de ces phares.
Si le scénario est dense et habilement découpé, le dessin est également une belle réussite. C'est soigné, propre, et très vivant. Un coup de cœur pour cette fin d'année.
Ar-men est le phare le plus à l’ouest de la Bretagne. Un phare construit de main d’homme au milieu du XIX° siècle sur un rocher de quelques dizaines de mètres, au milieu des flots. De sa construction à sa dernière occupation, c’est le récit d’une partie de la Bretagne, d’une culture, d’une persévérance et d’un lien des hommes à la mer qui nous est relaté. C’est également le récit d’un homme et de ses fantômes.
Chaque nouvel album d’Emmanuel Lepage est désormais un événement dans la sphère bdphile. Auteur entier ne recherchant pas la facilité, doté d’une technique sans faille et d’une sensibilité esthétique qui ne fait pas de doute, il parvient livre après livre à parler de ses passions et questionnements très personnelles dans des œuvres passionnantes. Je le suis depuis la Terre sans mal, magnifique voyage ethnographique en terre d’Amazonie (pour moi son plus bel album) mais j’avais passé mon chemin sur ses carnets de voyages, genre qu‘il a entamé il y a quelques années et qu’il peaufine désormais en des albums à cheval entre la fiction et le reportage. La Lune est blanche, relatant l’expédition en Antarctique de l’Institut Polaire qu’il a suivie (à travers une BD agrémentée de photographies de son frère) m’avait littéralement passionné et j’ai entrepris de reprendre mon retard. Son dernier album inspiré des Voyages d’Ulysse m’avais laissé sur ma fin, trop réflexif. Ar-men est cette fois beaucoup plus classique et forme l’une de ses plus belles réussites.
Dès l’introduction, très cinématographique, Lepage laisse exploser son talent, sa maîtrise des plans aériens, de couleurs maritimes éclatantes en suivant une mouette progressant et nous emmenant de la pointe du raz à l’île de Sein et jusqu’au phare proprement dit. Là, deux hommes et une jeune fille résident dans un fut de dix-mètres de diamètre au milieu des flots… Chaque soir une grosse vague risque de briser la porte ou jusqu’aux vitres de la lanterne. Pourtant ils sont là pour sauver des vies, celles de marins au large qu’ils guident par leur lumière salutaire. La vie dans le phare est rapidement relatée avant d’entamer le récit à la jeune fille des légendes bretonnes de la ville d’Ys, de Dahut et de l’ensevelissement par les eaux, puis de la construction du phare il y a un siècle en creusant barre de fer à la main une roche battue par les flots. C’est une véritable aventure, du même souffle que celle de l’Endurance que j’ai chroniqué sur ce blog, qui nous est relatée via des planches toutes plus magnifiques, tantôt historiques, tantôt naturaliste (les flots, les oiseaux, le vent). Lepage est breton et fusionne avec sa terre, comme jamais dans cet album. L’on sent le lien aux éléments qui unit ces hommes simples de Sein, cette nécessité de vivre sur la mer, de la mer, pour la mer. Ironie de leur situation, ces marins vivaient des naufrages et vont vivre par et pour le phare destiné à éviter ces naufrages…
Lepage sait agencer l’histoire, le mythe, le contemplatif et le cheminement personnel de ses personnages en une alchimie parfaite, passionnante, graphiquement superbe et variée. Et ici l’album prend une dimension supérieure lorsqu’est révélé brutalement le passé du gardien. Tout en subtilité, en maîtrise Emmanuel Lepage réalise alors un grand album comme son talent, humain, sensible.
A lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2017/12/13/ar-men/
Cela finit par devenir une habitude, celle d'acheter "le dernier Lepage", les yeux fermés. Et bien, encore une fois, je n'ai nullement été déçu par son nouveau one-shot dédié au célèbre phare au large de l'ïle de Sein, Ar-Men, justement surnommé "l'Enfer des enfers".
Emmanuel Lepage ne se contente pas ici de retracer l'histoire de la construction difficile du phare, à travers l'histoire du jeune Fouquet Moizez, mais il nous relate aussi la vie de gardien de phare avec Gabriel. Avec lui, nous retrouvons les grandes légendes de la Bretagne avec l'Ankou mais aussi celle de la ville d'Ys (pour aller plus loin, écoutez " Gwerz Kêr-Is" de Yann-Fanch Kemeneur, c’est une merveille) qui nous hantent toujours (ah ! J’oubliais de dire que j’étais breton).
Outre le scénario où se mêlent histoires, légendes, documentaire et destin des hommes, ce qui fait la force de ce récit c’est évidemment le dessin d’Emmanuel Lepage qui prend toute sa démesure dans les planches de tempêtes nocturnes.
Après l’Antarctique, et Tchernobyl, j’ai l’impression que Lepage fait partager aux lecteurs des éléments encore plus déchainés, au large des pointes bretonnes.
Il faut noter qu’on peut prolonger le voyage avec le DVD (" les Gardiens de nos côtes ", documentaire de Herlé Jouon, avec Emmanuel Lepage ) qui est présent avec la première édition de cet album.
Un très bel album qui mérite d’être lu et relu.
Un régal pour les yeux, une très belle histoire d’hommes.