A
lexandrin De Vanneville n'est point bourgeois,
Cet échalas est un poète volubile.
Pour ne point s'abaisser à vivre de rapine,
Tout en charmant et souriant, il vend ses rimes.
Si l'art de bien parler maintient l'esprit en forme,
Il ne suffit pas à nourrir le corps de l'homme.
Un jour qu'il se sustente sur le bord du quai,
Son regard par un jeune gavroche est attiré.
Le frais fugueur se dit épris de liberté,
L'esthète du mot dans cette quête va le guider.
Pascal Rabaté (Ibicus, La déconfiture) conte, le temps de quelques saisons, le quotidien d'un vagabond qui contourne la vacuité de son existence et la laideur du monde en versifiant. Loin de l'épopée, le récit touche par la fantaisie et la sincérité du personnage qui, au travers de ses rencontres plus ou moins heureuses et plus ou moins enrichissantes, s'élargit à un cénacle généreux en échanges savoureux. Il convient de saluer le remarquable travail sur le texte, en effet, la quasi totalité des dialogues est en vers. Entre lyrisme sans fla-fla et banalités joliment exprimées, l'enchantement est constant. Mais il ne faut pas se fier au ton faussement badin qui imprègne le début de l'aventure, car le scénariste invite à une réflexion sérieuse : est-il possible et tenable de vivre selon ses idéaux ? Si les pirouettes cocasses du marginal rimeur démontrent la force de son optimisme, -chaque acte du quotidien est propice à la recherche du beau- celui-ci finit par s'oxyder quand la réalité le rattrape (la solitude, la faim, le froid et la panne d'inspiration). La composition soignée s'attarde sur les regards et les gestes, mais aussi l'éloquence du silence. D’une simple histoire de troubadour moderne, l'auteur tire un récit tendre et touchant, à la portée universelle.
Kokor (Au-delà des mers, Le commun des mortels) possède un style semi-réaliste qui séduit grâce à son expressivité humble. Une mélancolie vaporeuse se dégage naturellement par le biais du trait léger et enlevé, proche du crayonné. Secondé par une colorisation dans les tons pastel un peu surannée, le charme rétro qui colle à la réputation de la poésie s'exprime aisément.
Tout récemment, le linguiste Alain Bentolila s'est alarmé du fait que "le vocabulaire se rétrécit". Avec cette très jolie élégie, il est extrêmement rafraîchissant et rassurant de constater que la rhétorique et la richesse de la langue attirent et inspirent toujours. Pourvu que cela dure !
C'est une bd sur le temps qui passe, sur le sens des mots, sur une pause à faire dans une vie qui va de plus en plus vite. C'est le regard d'un vagabond maniant bien la langue de Molière entre mélancolie et douceur. En effet, il parle en faisant des alexandrins ce qui donne un caractère poétique à cette oeuvre. Bref, il faut aimer vivre dans ces délires pour apprécier.
Ce poète va de porte en porte. Parfois, il est bien accueilli et parfois assez mal. C'est une expérience assez intéressante et assez touchante notamment vers la fin. La moralité est que la poésie ne meurt jamais même si la vie emporte tout sur son passage.
Cela fait des années que je n'avais pas lu une bande dessinée signée Kokor,depuis "Balade Balade", en 2003. Bien que le scénario soit de Pascal Rabaté, je trouve que l'on reste dans son univers, c'est d'ailleurs ce qui fait le charme de ce one-shot.
J'avais peur que la lecture des dialogues , la plupart en alexandrin, soit fastidieuse au final, et bien non, on finit comme Kevin, le jeune garçon qui accompagne le poète, par attraper ce virus.
En suivant quelques jours dans la vie de curieux poète,mi clochard, mi séducteur, Alexandrin,j'ai beaucoup ri (ah! la scène des bains douches) mais la seconde partie de cet ouvrage devient plus émouvante, voire touchante toute empreinte de spleen.
Ce livre est une véritable bouffée d'oxygène dans ce monde matérialiste.
Touchant.
En vers et contre tout ou l’art de faire rimer sa vie en réponse à l’immonde. Lucide et facétieux, Alexandrin de Vanneville ne s’en laisse pas compter. Sa rencontre avec Kevin lui donne l’occasion de révéler plus encore son élégance dans un compagnonnage bienveillant et emprunt de poésie, pardi.
Pascal Rabaté nous livre une fable de haute volée qui remue le lecteur. Il y a l’histoire, touchante, émouvante et tout ce qu’elle ne dit pas mais qui afflue en creux sur l’état de notre monde.
Car enfin, « ce n’est pas un signe de bonne santé mentale d’être adapté à une société malade » aurait-il pu conclure.
Un mot bien sûr sur le dessin d’Alain Kokor qui vient sublimer le récit et, quoique circonspect avant lecture, s’avère être celui qu’il fallait. Le trait, les couleurs, le côté chaleureux apportent un supplément d’âme à cette jolie histoire.
Une belle réussite. Merci
Un petit bijou ! C'est poétique, beau, intelligent, sensible et touchant à la fois. Tout concourt à la réussite : belle histoire, composition subtile, textes travaillés, dessin expressif et couleurs harmonieuses. Un livre à ne pas louper...et un grand merci aux auteurs.
Je partage tout à fait l'avis de la critique, beau, poétique (encore heureux me direz-vous!) et qui, malgré une apparence trompeuse, ne tombe pas dans le neuneu.