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epuis la mort de son père, Kémi a lâché les études et repris la vente de carburant. Malheureusement, il n'arrive pas à joindre les deux bouts et les dettes s'accumulent, malgré l'aide d'Omer, son copain en fauteuil. Le jeune garçon va devoir trouver un moyen supplémentaire de s'en sortir, tant pis si cela s'avère dangereux. Si seulement Yao, son jumeau, était encore près de lui...
Jean-Denis Pendanx est un amoureux de l'Afrique. Plusieurs séjours sur ce continent, à titre privé ou professionnel, lui ont permis de découvrir certaines régions : leurs charmes comme leurs mystères, les populations et leurs difficulté comme le folklore, les croyances ou les modes de vie. Se basant sur un séjour à Cotonou (la plus grande ville du Bénin, située à son extrême sud, coincée entre le Lac Nokoué et le Golfe de Guinée), il imagine une quête fraternelle mais aussi intimiste longue de plus de 750 kilomètres.
Seul au commande d'un album pour la première fois, il met ses dons de dessinateur au service d'un « fleuve-trip » palpitant et immersif. Avec le talent qu'on lui connait, l'auteur de Tsunami et Le maître des crocodiles reprend les pinceaux pour mettre en image cette fresque. Gaufrier de douze cases muettes, pleine page, trois ou quatre bandes, la panoplie de découpage est large mais surtout percutante. L'effet n'est pas qu'esthétique, les compositions racontent elles aussi, le regard est tour à tour guidé ou laissé libre de mouvement. Et lorsqu'il se pose sur un détail, une zone ou une vignette, il est imprégné de l'ambiance particulière qui se dégage de chaque planche. Affranchi d'encrage, le trait n'en est pas moins précis, les visages en gros plan bluffants de réalisme et expressifs à souhait. Le gros travail sur les couleurs, à l'aquarelle, permet également de jouer avec la profondeur de champ ou de donner le ton des séquences. Le quartier de Danktopa et la frénésie de son marché, le village de pêcheurs de Ganvié et ses maisons sur pilotis, Lagos et ses dangers jusqu'au delta du Niger, les lieux se succèdent et alors que les décors - naturels ou urbains - changent et s'assombrissent, les atmosphères sont restituées avec la même force, la même intensité.
De beaux dessins n'ont jamais fait une bonne bande dessinée, aussi, l'histoire se devait d'être passionnante pour ne pas que ce titre rate le coche. Le défi est relevé haut la main. Si au départ elle est guidée par l'espoir et l'instinct, la fuite en avant du héros va se muer en une véritable introspection. La relation gémellaire sert de fil rouge et le poids de l'absence, le manque suscité rend viscérale la recherche d'informations : « perdre son jumeau c'est perdre la moitié de son âme » dit le proverbe. Les raisons de la séparation se dévoilent peu à peu, prennent le pas sur la traversée et, à mesure que la recherche approche de son terme, la tension va crescendo et ne lâche plus le lecteur jusqu'au dénouement. Mais au delà du périple de son héros, l'auteur brosse également le portrait d'une région dure où chacun survit comme il peut avec ce qui l'entoure. Pour Kémi, les rencontres (bonnes ou mauvaises) s'accumulent et avec elles, les difficultés des existences se sont font jour. Ce double propos aurait pu tomber dans l'excès ou dans la caricature mais la réussite de cet album tient en partie dans cet équilibre qui, même s'il s'avère critique sur le contexte, est fait sans ton moralisateur, dénué de manichéisme.
Avec Au bout du fleuve, Jean-Denis Pendanx convainc totalement. En plus d'un superbe voyage, il offre un récit intimiste où le cadre est tout aussi saisissant que l'aventure est émouvante. Dépaysant, un peu mystique, touchant mais surtout un bel album autant pour les yeux que pour l'esprit.
Ce n’est pas la première fois que l’auteur consacre un ouvrage à l’Afrique (voir Abdallahi). Les dessins sont toujours aussi beaux avec des couleurs toujours aussi rayonnantes mais dans la nuance.
L’originalité est de nous présenter une réalité méconnue de l’Afrique d’aujourd’hui. On va s’intéresser au parcours d’un jeune homme qui souhaite retrouver son frère jumeau dans un pays en proie à l’affreux capitalisme des compagnies pétrolières destructrices de l’environnement. A la limite du cliché ou d’une certaine réalité entre pauvreté et misère humaine…
C’est d’abord une aventure humaine avec une approche qui perd parfois le sens du réalisme. Il y a un côté superstition avec ses fantômes au milieu de la brousse. C’est surtout une plongée dans une Afrique mythique qui essaye de retrouver ses repères. Au bout du fleuve et du périple, une certaine délivrance.
J.D. Pendanx nous offre encore un superbe album avec "Au bout du fleuve", ou la quête d’un jeune béninois devenu orphelin pour retrouver son frère jumeau, parti chercher la fortune sous d’autres cieux beaucoup plus dangereux…
Visuellement, chaque planche est magnifique et rappelle le sublime « Kililana song » de B. Flao. Quiconque a connu l’Afrique en reconnaitra immédiatement les couleurs, les décors, les habitants, les ambiances… Tout ce qui la rend si attachante et tragique à la fois ; car le personnage de Kémi, au fil de son voyage devient le témoin et le symbole de cette Afrique meurtrie, livrée aux trafiquants, aux corrupteurs et aux multinationales, où comme le pétrole, l’humain est devenu une ressource exploitable. Pour autant J.D. Pendanx maîtrise son sujet et ne sombre jamais dans le voyeurisme ni le misérabilisme.
Une histoire poignante et une très belle BD, mais dont le thème difficile éloignera probablement bon nombre de lecteurs, hélas.
Un récit bouleversant qui met clairement en avant la pauvreté et l'exploitation de certains pays d'Afrique, dont la population côtoie en permanence la mort.
A travers le voyage de Kémi pour retrouver son frère jumeaux Yao, l'auteur nous met, page après page, face à la dure réalité de la vie Africaine.
L'ensemble est renforcé par le dessin au pinceau toujours aussi touchant de Pendanx, ainsi qu'à la palette de couleurs qu'il utilise.
Une quête éprouvante, sensible et bouleversante, presque authentique, qui entraîne avec elle le lecteur jusqu'à la dernière page.