L
e monde est divisé en deux castes : les dominants, riches et puissants, en haut de l'échelle sociale gouvernent tandis que tous les autres, les classes moyennes comme les laissés-pour-compte, les servent et n'ont accès à rien. Perséphone est une « Prima », Callum un « Nihil », ils se connaissent depuis leur plus tendre enfance mais tout les sépare. Leur amour surmontera-t-il les interdits de la société ?
Cela vous rappelle vaguement quelque chose ? C'est normal, le roman de Malorie Blackman (premier d'une tétralogie) a eu un succès retentissant grâce à un postulat de départ innovant : la séparation des individus est basée sur la couleur de peau, les Noirs dominent le monde et les Blancs sont leur valets. En plus d'inverser la ségrégation, elle y plaque une histoire d'amour impossible entre deux jeunes gens.
Que les fans se rassurent, le travail d'adaptation de Ian Edginton est fidèle à l'œuvre originelle. Il s'appuie sur tous les événements marquants du livre et ne s'éloigne guère de la trame. C'est peut-être le seul reproche à adresser à cet album. Hormis le choix de rompre avec l'alternance de narration (dans le livre, on passe du point de vue de Callum à celui de Perséphone au gré des chapitres), il est difficile de mettre en avant un point particulier de son travail. À sa décharge, le matériau de base était puissant et faire des « coupes » aurait par trop dénaturé le propos. Et bien qu'ayant recours à quelques ellipses, le scénariste retranscrit bien le tourbillon de sentiments - amitié, amour, injustice, haine, vengeance, ressentiment, trahison, humiliation - dans lequel les adolescents sont plongés. De même, il donne toute son importance au double enjeu, amour impossible et conflit de classes, montrant l'évolution du point de vue de ses protagonistes au fil des événements, de leurs choix ou de leurs actes.
Pour leur seconde association, John Aggs propose une approche graphique toute en sobriété : trait clair, noir et blanc tout en nuance et découpage classique, son travail ne souffre que de peu de faiblesses (dans certaines proportions notamment). Toutefois, un tel sujet aurait certainement mérité une plus grande prise de risque. De fait, l'une des plus-values évidente de cette mise en image est de gommer un défaut souvent relevé dans le bouquin : le manque de descriptions. Ici, les décors viennent compléter les mots ; les vêtements, les lieux, l'environnement tout le contexte prend forme et ancre définitivement l'histoire dans une époque qui pourrait être la nôtre, dans un pays occidental (comment ne pas penser aux États-Unis ?). En canalisant l'imagination des lecteurs, il offre ainsi plus de place au cœur du sujet.
S'il manque quelque peu de folie, Entre chiens et loups n'en reste pas moins une adaptation fidèle et réussie du roman éponyme. Une manière ludique et originale de découvrir un classique de la littérature jeunesse anglo-saxonne qui rend intolérables des comportements pourtant acceptés depuis des années.
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