(AUT) Hergé Hergé mon ami

«Citez donc une seule œuvre qui ait su réjouir la génération de mes parents, la mienne, celles de mes enfants et de mes petits–enfants, sans aucune lacune ni désert d’oubli, comme si elle suivait ou précédait l’engendrement. L’enfant qui ne sait pas lire y trouve jouissance autant que le penseur qui se croit profond.»

Fan de l’œuvre d’Hergé depuis l’enfance, Michel Serres est aussi l’un des premiers intellectuels à avoir cité et utilisé Les aventures de Tintin comme exemple ou illustration de sa propre pensée. C’est d’ailleurs un article à propos des Bijoux de la Castafiore qui permit au philosophe de rencontrer le maître à créer de la ligne claire. Une amitié fidèle marquée par un profond respect mutuel s'ensuivit. Originellement paru en 2000, Hergé mon ami rassemble les différents textes de l'essayiste se rapportant au célèbre reporter à la houppe.

Edition remaquettée et augmentée pour l’occasion, l’ouvrage tient autant de l’hommage que de l’essai purement intellectuel. Virtuose des mots et grand amateur de métaphores savantes, le penseur présente une foule d’observations piochées au fil des albums de la série. Il utilise ce matériel pour construire un discours abordant à peu près tous les sujets (le sacré, la violence, le rire, le voyage, etc.), tant sur le travail du dessinateur que sur l'existence en général. Rigoureuse, mais pleine d’esprit, ses analyses s’avèrent souvent éclairantes, malgré un texte parfois difficile à suivre. Finalement, outre la réflexion pure, c’est l’immense et sincère estime de l’écrivain pour le raconteur qui prédomine.

Chapitre après chapitre, Serres revient systématiquement sur la générosité et le talent de narrateur d’Hergé, sur la force d’évocation de ses récits, sur ses personnages héroïques, mais tellement humains et sur leurs prouesses incroyables. Plus simplement, c’est le lecteur, peu importe qu’il ait dépassé les fatidiques soixante-dix-sept ans maintenant, qui s’exprime pour dire merci tout bonnement.