Magritte, Ceci n'est pas une biographie

C harles Singulier, un petit commis de bureau, s’offre un chapeau melon pour célébrer la promotion qui lui sera annoncée dans quelques jours. Mais voilà, le couvre-chef a appartenu à René Magritte et son nouveau propriétaire ne pourra l’enlever sans avoir percé les secrets du maître. Du coup, il se voit plongé dans un univers fait de feuilles-arbres, de miroirs facétieux, de trains qui sortent des cheminées et de personnages suspendus dans les airs.

Dans Magritte, Ceci n’est pas une biographie, Zabus présente moins la vie d’un peintre que la quête d’un homme jusque là sans histoires. À travers son exploration de l'art, il l’amène à s’interroger sur ses perceptions, la signification des mots et celle des images. Mais fondamentalement, c’est à sa propre destinée qu’il réfléchit, notamment à l’absence de fantaisie qui la caractérise. Loin de l’hagiographie, l’auteur n’hésite pas à faire un procès à l’artiste qui, d’abord innovateur, a par la suite entretenu son succès en répétant, confortablement et inlassablement, les motifs qui plaisent aux masses.

Le coup de pinceau de Thomas Campi sert magnifiquement le récit. L’illustrateur guide de belle façon son lecteur dans un univers bien inscrit dans la culture populaire. Cela dit, fréquenter un géant est toujours un peu hasardeux. Les gardiens du temple risquent en effet de décréter que le résultat n’est pas à la hauteur de l’œuvre. Le bédéiste a su éviter cet écueil en conservant son style, découvert il y a quelques années avec Macaroni !), lequel se marie bien à celui du peintre, comme le montrent admirablement les réinterprétations de tableaux et les très nombreuses cases pastichant les toiles. En fait, au-delà ce ces abondants clins d’œil, c’est le livre tout entier qui interpelle l’esprit du surréaliste belge.

Une biographie habilement menée, où la forme et le fond rappellent de jolie façon l’« esprit Magritte ».