«- Monsieur a choisi ?»
«- Oui, vous me mettrez de l’Amour, le grand, le vrai, celui qui fait tourner la tête ! Donnez-moi cette personne unique, qui m’apportera ce qui me manque dans ma vie !»
«- Des frites avec ?»
«- Oui, fieu, avec de la mayo.»
Grands déçus des sentiments ou bourreaux des cœurs ? La petite histoire ne dit pas dans quel camp Gilles Dal et Johan De Moor se retrouvent. Toujours est-il qu’ils en ont gros sur la patate et ne se privent pas de donner leur avis à ce sujet. La vie à deux, essai métaphysique comme seul l’humour belge est capable d’en inspirer, analyse, décrypte et dénonce les idées reçues à propos du couple, du mariage et de tout ce qui s’ensuit. Mêlant la tradition surréaliste des artistes du Plat Pays au minimalisme du Coconino County cher à George Herriman, l’ouvrage, pourtant publié aux honorables éditions du Lombard, détonne de par son allure expérimentale. En effet, le fil narratif suit une route connue de lui seul, fait des pauses inopinées juste pour le plaisir, multiplie les apartés, souligne son propos par des exemples sortis d’on ne sait où, pour finalement continuer son petit bonhomme de chemin comme si de rien n’était. Ah oui, le plus important, c’est hilarant et tragique à la fois, comme un soir de novembre pluvieux du côté de Knokke-le-Zoute (note à l’éditeur : penser à mettre une chanson de Brel en fond sonore).
De la BD classique, il y en a aussi et de la bonne ; Johan n’est pas le fils de Bob pour rien, le lettrage hergéen à lui seul en fait foi. Par contre, l’auteur de La Vache est aussi un bricoleur graphique qui aime autant l’encre et le papier que la colle et les ciseaux. Heureusement, même sous son aspect foutraque et exubérant, l’album reste invariablement attaché à son postulat de départ et coule comme du petit lait (ou une bonne gueuze, suivant les goûts de chacun).
Habillé d’une rose aux effluves enivrantes, La vie à deux se dévoile sous des couleurs pastelles et douces. N’oubliez pas pour autant ses piquants acérés.
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