L
orsque Grogan Masson est invité à l'un des rendez-vous des collaborateurs de la revue Weird Tales, les participants sont au mieux dubitatifs, au pire indifférents. Pourtant ce que le seul survivant du Sphinx des Neiges va leur conter va changer leur vie...
Petite récréation comme il s'en accorde de temps en temps (J'ai tué... Lennon) dans ses collaborations avec Leo, Voyage au pays de la peur permet à Rodolphe de s'attaquer à un genre qu'il fréquente peu. Entre étrange, épouvante et fantastique, son récit fonctionne à merveille. Au fil des planches, la tension monte et les pièces du puzzle se mettent en place. À la manière d'un épisode des Contes de la crypte, tout démarre de manière banale - une expédition scientifique en route vers le pôle Sud - avant que les événements bizarres ne se multiplient et que l'histoire ne bascule dans le fantastique. Le lecteur sait dès le départ que ça va mal tourner mais la fluidité de la narration maintient l'immersion jusqu'à l'arrivée du bateau à destination. Enfin, le scénariste ne se contente pas du simple exercice de style : plaçant le survivant-narrateur au sein du cercle d'initiés, il ramène le danger (et donc la peur) à proximité et s'offre ainsi une conclusion «double détente».
Pour l'accompagner, Jean-Jacques Dzialowski est aux pinceaux. Rompu aux comics, il en maîtrise parfaitement et le format et le découpage, s'en sert pour varier le rythme de ses planches. S'appuyant sur un noir et blanc maîtrisé qui habille un trait dont le rendu «rough» peut troubler, le dessinateur joue avec le cadre maritime - terrain angoissant par excellence - pour installer une ambiance oppressante et accompagner avec à propos le stress généré par son compère. Une prestation en totale adéquation avec la trame générale.
Efficace dans son fond comme dans sa forme, Voyage au pays de la peur atteint son but : offrir un bon moment flippant et intrigant, et devient, par la même occasion, un des meilleurs titres de la collection Flesh&Bones.
Mitigé.
D’abord, j’ai eu du mal avec les dessins. Il n’y a pas de lignes claires mais ce n’est pas flou non plus… Une sorte d’impression crayonné à l’encre assez étrange…
Les décors sont pourtant globalement réussis, l’ambiance sur le bateau est bonne – et l’ambiance flippante fonctionne très bien. Mais j’avais parfois l’envie de faire le point sur les cases pour obtenir une netteté satisfaisante.
Pour l’histoire…
Déjà, j’ai eu un peu de mal avec la mise en abyme de l’histoire qui raconte l’histoire d’un type qui a vécu une histoire… Nombre de fois je me suis demandé pourquoi on n’avait pas l’histoire directement. Si ça se justifie à la fin, ça m’a quand même parfois gêné.
Enfin, je ne suis pas un fan de Lovecraft.
Cette histoire qui s’en inspire ou tend vers lui m’a fait le même effet : c’est réussi, l’ambiance est flippante, l’ensemble se tient mais je ne marche pas. Un petit côté trop désuet début siècle dernier qui m’a empêché de rentrer véritablement dedans.
L’opus est intéressant par bien des points mais le dessin, la mise en abyme, le côté « mystère horrifique qui plane » ajouté au fait que je n’ai jamais réussi à entrer dans une histoire se passant sur un bateau pour je ne sais quelle raison, tout ça fait que ça ne m’a pas emballé outre mesure.
Ah ! Voilà un des meilleurs titres de la collection Flesh & Bones !
Grâce, tout d'abord, à l'histoire imaginée par Rodolphe qui, dès les premières planches, s'autorise à mettre en scène, en guise de clin d’œil, l'un des plus grands écrivains américains du genre fantastique, H.P. Lovecraft.
Celui-ci est soudainement réveillé par un énième cauchemar (ce qui rappelle les véritables anecdotes pour l'auteur, sujet à des terreurs nocturnes), issu d'une histoire relatée il y a quelques mois...
Celle de Grogan Masson, qui effectivement, va narrer une aventure aussi terrifiante qu'exceptionnelle. Il décrit un embarquement à bord du Sphinx, un bateau prêt à partir pour une expédition polaire. Qui va s'avérer passionnante. L'intrigue est juste géniale et rondement menée. avec une pression dès le début et qui peu à peu, laisse place à de terribles situations.
Le plus glaçant dans ce scénario, c'est que tout est tellement bien ficelé, que nous sommes quasiment convaincus de la véracité des faits témoignés. Jusqu'à une fin qui ne ménage pas notre réflexion...
Et que dire du dessin de J.J. Dzialowski ! En parfaite symbiose avec la noirceur du récit, il faut mettre en exergue les scènes aussi réalistes que la tempête en mer (impressionnant !) que les rencontres Fantastiques toutes aussi bien rendues.
En mêlant des témoins comme Lovecraft et ses amis (tous auteurs réels de récits fantastiques et qui ont la particularité commune d'avoir publié dans le "Weird Tales"), on savoure pleinement ce one shot de ce binôme qui offre une intensité franchement réussie !