P
our Wanda et ses trois cadettes, la vie pourrait s’écouler paisiblement malgré l’ambiance sinistre de leur grisâtre cité industrielle de Szczecin… Mais aux multiples pesanteurs de la société polonaise des années 60 – écartelée entre emprise de la religion catholique et sujétion au carcan communiste – vient s’ajouter le fardeau d’un père tyrannique et omnipotent. Pourtant, la drôlesse est vive, espiègle, débrouillarde, et déborde d’affection pour ses sœurs, comme pour sa grand-mère, qui seront les piliers sur lesquels elle bâtira sa personnalité. De l'âge tendre jusqu’à l’adolescence, l’héroïne se raconte, mêlant chroniques familiale et historique.
Pour Wanda Hagedorn, installée en Australie depuis trente ans, ce retour autobiographique aux sources semble agir comme une thérapie libératrice de ses traumas enfantins. Pour le lecteur, cependant, ce versant du récit est un peu lourd à appréhender, et c’est bien la description de la Pologne totalitaire de l’ère soviétique qui fait l’intérêt principal du livre. Car ce portrait de la société est fait à hauteur d’enfant, avec une franchise et une naïveté toute naturelle. Ce prisme légèrement déformant donne un recul inhabituel et un décalage subtil qui pointent avec acuité les absurdités et les contradictions de l’époque. Hélas, le ton se fait résolument moderne et adulte lorsqu’il s’agit de narrer son histoire personnelle : famille dysfonctionnelle, père pervers narcissique, théorie des genres : toute la panoplie contemporaine de l’analyse des relations sociales est de sortie. Celle-ci semble d'ailleurs artificiellement plaquée sur le récit, créant un effet de froide distanciation par moments, hachant le rythme narratif et brisant l’empathie envers la malicieuse gamine.
Illustré par Jacek Frąś, graphiste polonais dont c’est la première œuvre d’importance publiée en français, cet épais volume retranscrit parfaitement l’atmosphère morne et lugubre de l’ancienne Pologne marxiste : des teintes grises, des couleurs terreuses, toute une palette mise sous l’étouffoir de tons plombés. Le trait est fin, détaillé, un peu lâché, parfois caricatural, mais globalement agréable à l’œil, malgré quelques maladresses. Approprié au sujet, il met l’accent sur l’expressivité et la transcription des sentiments.
Une description approfondie de ce qu'était une enfance dans la Pologne communiste, malheureusement entachée de lourdeurs narratives et par un tempo cahoteux.
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