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oe et Harly attendent dans une agence bancaire. Ils viennent y déposer l’argent qu’ils y ont volé quinze jours plus tôt. Poe est d’un tempérament calme et réfléchi. Harly est un sensible, lui qui a pleuré devant Terminator 2. Si bien que lorsqu’une employée se fait humilier par un client indélicat, Harly lui lance sa sacoche au visage et lui fait manger moult billets. Echec de l’opération banale qui consistait à ouvrir un compte.
Poe et Harly sont des loosers. Décalés, inconscients, désordonnés, leur vie est une succession d’impulsions, d’emportements et de ratages. Mais Poe a une vie intérieure. Amoureux de Lola, serveuse dans un bar de nuit, obsédé par le fantôme d’une femme qui s’échappe de temps en temps du ciel, il vit dans un espace indéterminé, entre réalité et illusion, que rendent accessible les fantasmes et l’alcool.
Laureline Mattiussi adapte en un récit unique quatre nouvelles de Carlos Salem (pas encore traduites en français), écrivain argentin connu surtout pour ses romans policiers au ton décalé. Elle entraîne ainsi le lecteur dans une faune interlope, entre errances et incertitudes nocturnes. Prostituées, alcooliques, travestis et clochards croisent la route de Poe, qui les effleure tous, absorbé qu'il est par sa compagne spectrale, à laquelle il fera l’amour dans la boue et les détritus.
La relecture de Carlos Salem par Laureline Mattiussi est une rencontre improbable entre l’œuvre déglinguée de Charles Bukowski et l’illogique voyage d’Alice de Lewis Carroll. Les frontières sont estompées, les univers se mélangent et l’individu est ballotté continuellement entre deux mondes. Il en ressort une frustration constante mais aussi l’envie d’atteindre un idéal dont les contours demeurent flous.
L’auteur expérimente ici le noir et blanc, qu’elle maîtrise totalement, pour donner un graphisme qui suggère plus qu’il ne montre, qui privilégie l’atmosphère à la beauté, le chaos à l’harmonie. Je viens de m’échapper du ciel ne pose pas de questions précises, et donne encore moins de réponse. Il propose un voyage pittoresque dans cette partie décalée que tout individu porte en lui et qu’il est parfois difficile d’apprivoiser.
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