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vant de connaître le succès avec Daytripper, les frères Fabio Moon et Gabriel Bá ont tenté de faire publier quelques nouvelles qu’ils avaient écrites à quatre mains. Fans du travail de Diana Shultz, éditrice chez Dark Horse, les deux brésiliens lui présentaient inlassablement leur projet qu’elle finit un jour par accepter. Ce sont au total une douzaine de nouvelles dessinées que les auteurs durent écrire en quelques années pour réaliser Détails d’une vie brésilienne sorti pour la première fois en 2006.
« Clignez des yeux au mauvais moment et vous passerez à côté de l’essentiel ». Ces quelques mots de Fabio Moon en préface résument non seulement la démarche des deux jumeaux sur cet album mais également tout ce qui allait préfigurer Daytripper. Il y a cette obsession de s’attacher à l’infime et au futile, de décortiquer les actes manqués qui peuvent changer une vie jusqu’à imaginer une panoplie d’uchronies pour envisager toutes les possibilités. Dans « Réfléchir I et II », un homme tergiverse après avoir rencontré une fille dans un bar puis rencontre ses « doubles » qui ont chacun choisi une option différente. Oui, il y a un certain plaisir masochiste à essayer d’analyser plutôt que d’oublier.
Par nature, les nouvelles sont forcément inégales dans leur qualité. Les auteurs ont laissé à Diana Shultz le soin d’organiser ce joyeux méli-mélo de rencontres improbables, d’histoires d’amour avortées et d’instants fugaces. Le choix chronologique de la structure de la rencontre amoureuse, du premier regard électrique à la fin du couple usé, permet d’aborder l’ouvrage en ayant l’impression d’avoir entre les mains une histoire homogène et cohérente. S’il fallait néanmoins retenir un chapitre, « Trop tard pour un café » justifie presque à lui seul l’intérêt de l’album. Pour la maîtrise du noir et blanc, tout d’abord, illustrant le jeu permanent de séduction de deux inconnus, pour le découpage, vif et dynamique, qui, dans une succession de plans, passe d’un personnage à l’autre et, enfin, pour les dialogues qui sonnent très justes.
Plus qu’une curiosité pour découvrir les prémices d’une œuvre, Détails d’une vie brésilienne devrait également satisfaire un lectorat pour qui les termes « contemplatif » et « recherche intérieure » ont un sens.
J’aurais pu mettre 3 étoiles de manière tout à fait objective pour ce travail mais je n’ai guère senti le moindre intérêt à ma lecture. Ces petites histoires n’ont pas de fil conducteur visible. Tout serait concentré sur de petits détails qu’il nous faut repérer ou sur les obsessions récurrentes des auteurs.
Pour autant, je n’ai pas trouvé cela très évident. Bon après, il faudra trouver intéressant ces petits riens comme l’attente trop longue devant les toilettes d’un night-club. En bonus, on aura droit à deux fois la même histoire avec une variation légèrement différente.
Nous aurons même droit à une aventure arrivée aux auteurs lorsqu’ils étaient plus jeunes à la fin des années 90 dans le métro parisien où ils semblent avoir été agressés par une bande de loubards sous le regard désintéressé des usagers. Cela donne une image totalement déplorable de Paris et visiblement, nous n’aurions rien à envier au Brésil. Non, je n’adhère décidément pas.
Pour la petite histoire, suite au succès rencontré par les auteurs en France avec Daytripper (au jour le jour) ou plus récemment Deux Frères, l’éditeur Urban Comics ressort des placards des petits récits pour en faire une compilation. Oui, le type de démarche que je n’aime pas trop. On pourra toujours y déceler les prémices de leur futur succès. Au niveau du dessin, rien à redire car c’est impeccable.