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ne vie de famille et de couple idyllique, un métier enrichissant : la vie est un long fleuve tranquille pour Rosângela. Dans ce Brésil aux inégalités si criantes, elle fait partie des gagnants, de cette bourgeoisie aisée assurée de sa position. Tout serait parfait, s'il n'y avait cette cousine. Non pas qu'elle soit jalouse, loin de là. Jalouse de quoi d'abord ? Cette dernière n'a pas de voiture et a dû retourner chez ses parents après un mariage raté (sans compter qu'ils habitent dans un mauvais quartier). Non, ce n'est pas ça, c'est juste, vous savez, elle est … juste un peu plus, comment dire, présente ? Radieuse ? Vivante ?
Après le très remarqué Tungstène (Fauve d'Or du polar au festival d'Angoulême 2016), Marcello Quintanilha revient sur les étals avec Talc de verre, un thriller psychologique âpre et dramatique. À la limite de l'étude psychiatrique, le scénario suit la lente descente en Enfer de l'héroïne. Sur un mode narratif qui peut rappeler Une femme sous influence de John Cassavetes, Rosângela se fissure, laissant apparaître au fil des pages une folie insidieuse et autodestructrice. Quintanilha a imaginé une narration des plus perverses en mettant le lecteur directement dans le cerveau de la jeune brésilienne : d’où vient donc cette petite voix qui s'invite de plus en plus fréquemment et qui semble dire tout haut ce que les gens pensent pour de vrai ? L'effet d'immersion est total tant il est inquiétant !
Comme dans son œuvre précédente, l'auteur en profite également pour raconter son pays. Loin des clichés, il présente un Brésil moins connu de grand public : celui des classes supérieures (docteurs, banquiers, etc.) qui baignent dans une aisance quasi-indécente au regard de la majorité. Finalement, cette description met surtout en avant que, peu importe le lieu, les problèmes (moraux, humains, etc.) que rencontrent les gens sont les mêmes.
Graphiquement, le dessinateur a affiné son style et a choisi une approche un peu surannée très réussie. La mise en page très resserrée rappelle les récits à l'eau de rose des années soixante, comme le 13 rue de l'Espoir de Paul Gillon, par exemple. Ce sentiment « vintage » est renforcé par l'utilisation soutenue et des plus efficaces de différentes trames ou grisés tout au long de l'ouvrage. Dans le même temps, le ton général est tout à fait actuel, il s'agit d'une histoire d'aujourd'hui et tous les petits détails (les intérieurs, les automobiles et les téléphones portables) le montrent bien.
Glacial malgré le climat, Talc de verre se démarque par la précision et la rigueur de ses observations. Avec ce titre, Marcello Quintanilha démontre toute la richesse de son talent de conteur.
un 3/5 qui vaut plutôt un 2,5 pour moi...
Bon ce n'est pas compliqué. On assiste, dans cette chronique sociale, purement à l'autodestruction d'une jeune femme qui a tout pour être heureuse. Une fragilité sommeille en Rosângela et, lorsqu'elle se réveille, peut psychologiquement être très dur à vivre.
La faute à une enfance certainement traumatisante, elle peut même mettre un nom à son angoisse la plus profonde : sa cousine Dani.
En clair le déroulé du récit se résumé à une femme qui est intelligente, et fait partie d'une classe sociale brésilienne aisée, mais c'est bien dans sa tête que cela ne tourne pas rond... D'ailleurs, on "entend" beaucoup ses monologues, délires, pensées folles... peut-être même un peu trop... bien que cela reste logique sur le sujet traité.
Et puis le dessin de M. Quintanilha est très spécial. Du moins pour cette histoire. Non pas pour le trait mais pour plutôt pour ces cases répétitives (s'il a voulu qu'une image nous reste en tête, c'est bien le visage avec le sourire ultra-bright de la cousine...).
Cela reste désordonné et sans vraiment de liens.. Mais encore une fois, ce découpage est paradoxalement idoine à la folie intérieure du personnage.
Je mets tout de même la moyenne, car je pense que cela aurait pu fonctionner, pour moi, si je m'étais attaché à l'héroïne, ce qui n'est évidemment pas le cas ici.
Et puis cela reste, tout de même, un scénario courageux & atypique.