T
echno n’a peur de rien et ose tout. Son existence se nourrit du dépassement des limites, de l’intimité avec le risque, de l’attrait pour la transgression. Sport, plongeons hasardeux en pleine nature, virées en voiture, griserie de la vitesse. De rencontres hasardeuses en relations malsaines, il y aura aussi les cigarettes, la drogue occasionnellement et la picole. Sa boisson préférée est le pear cider, le cidre poiré. D’accidents en versement de primes d’assurance, il sombre dans l’inactivité et l’alcoolisme. Quelques tentatives de suicide et une hépatite C plus tard, il fait venir son ami en Chine. Il y attend soit une greffe de foie, soit la mort.
Robert Valley, qui se met en scène comme narrateur et ami du (anti) héros, vient du film d’animation (publicité et clips pour Gorillaz, entre autres). Il s’agit là de sa première bande dessinée, si on excepte sa participation au tome 3 de la série policière Blue Estate et les petits formats publiés sous le nom générique de Massive Swerve. Son approche est autobiographique, prenant des éléments à la période durant laquelle il vivait en Chine et choisissant le point de vue subjectif d’un personnage qu’il incarne lui-même.
Le style graphique est personnel et original. Redevable à l’outil informatique, Robert Valley lance des perspectives audacieuses, se montre généreux avec les dimensions (trois cases par planche, des pleines pages) et jongle merveilleusement avec les couleurs. Selon l’ambiance ou de l’état de santé du personnage principal, il passe de la palette de gris aux couleurs vives des néons de Canton. Il fait preuve de créativité dans son rendu de la lumière solaire directe ou dans la superposition d’images. Le grain lisse de sa production rappelle inévitablement ses origines artistiques, mais le dessinateur sait inclure des crayonnés pour varier la démarche visuelle. On trouve également un usage risqué mais convaincant de la répétition, certains plans se retrouvant plusieurs fois, traduisant le désœuvrement de ses protagonistes dans le temps qui passe.
Cependant, si la réussite picturale est incontestable, il n’en est pas de même pour l’aspect narratif. L’ouverture est réussie car elle campe avec à-propos une existence, un point de vue et une atmosphère. Mais lorsque le récit s’installe à l’hôpital militaire chinois dans l’attente d’un donneur, même si Techno est imprévisible et pittoresque, dans la lecture, l’ennui des personnages devient contagieux. Clairement, quelques longueurs s'invitent. Le dénouement laisse aussi perplexe. Il lui manque de l’ampleur, une mise en perspective, une surprise, une accroche.
Au final, Pear cider and cigarettes pourra ravir quelques audacieux de la sensation graphique, qui se régaleront du talent d’illustrateur de Robert Valley. Ceux qui cherchent avant tout un récit palpitant, empli de suspens et de rebondissements, passeront leur chemin.
Cette oeuvre est assez singulière aussi bien dans le graphisme que dans le déroulé. On ne verra jamais le narrateur qui s'occupe d'un ami en totale perdition. C'est un peu à la manière d'un jeu vidéo où l'on est acteur mais sans se voir sur l'écran. Le mode est celui de l'observation. Une histoire assez simple mais très bien mise en scène.
Le récit est plutôt sombre car il s'agit d'assister à la déchéance alcoolique d'un ami junkie qui avait tout pour lui à savoir les femmes, l'argent et la famille. A vivre à cent à l'heure sans respecter les règles, on finit par se bousiller la santé. Les excès ne sont jamais bons. Je n'ai généralement guère de compassion pou ce genre d'individus. Cependant, en l'occurrence, cela fait quand même quelque chose au coeur. Malgré les défauts de ses amis, on arrive à les aimer.
Là, nous avons un vrai roman graphique qui apporte une touche humaine et crédible. L'auteur s'est d'ailleurs inspiré de la vie de l'un de ses amis. Il a longuement mûri ce projet qui a mis pas mal d'année avant d'éclore.
Bilan mitigé pour cet album.
Une réussite graphique incontestable car originale et travaillée. Cela amène une atmosphère décalée qui colle à l'histoire.
L'histoire, justement... C'est ce qui pêche selon moi car elle n'est pas exempte de reproches. L'histoire d'un personnage à travers les yeux d'un autre montre ici une succession d'évènements sans réel liant. La narration est originale mais il reste au final une impression d'être passé à côté de quelque chose. Comme la fin de certains films où si on est pas 100% attentif, on ne comprend pas tout ou pas tout ce qu'il faut comprendre. De plus, la fin laisse une impression de vite fait.
Bref, l'intérêt de cet album réside surtout dans son style graphique, pour son originalité et l'ambiance qu'il amène.