S
ous un soleil de plomb, Michon, le petit cochon espiègle et râleur, n'en peut plus de cette chaleur. Il décide alors d'aller se rafraîchir à la rivière non loin de là. En chemin, il tombe sur Doville, le cheval végétarien en costume. En train de draguer Bella la vache, l'équidé voit d'un mauvais œil l'irruption du clown de service. Après quelques échanges taquins entre les deux mâles, les tourtereaux décident d'accompagner le cochon. Hélas, une fois sur place, ils constatent que l'eau a laissé place à la boue. Tout est à sec alentours et, visiblement, cela ne date pas d'hier. Michon en est persuadé, ce que lui a dit « la fouine un peu allumée » est vrai : c'est à cause du trou de la zone, et bientôt il causera la fin du monde !
Voilà donc le trio (rejoint par trois ragondins) en route pour trouver de l'eau et, si possible, la cause de cette sécheresse. Direction la vallée de la Mort, gigantesque décharge à ciel ouvert qui recèle dans les méandres de ses allées un camp de fortune pour réfugiés. Véritable cour des Miracles construite sur ces déchets, elle accueille une bonne partie des déracinés du coin. Guidée par Gatsbi, le doyen, notre équipe va découvrir ce qui se cache derrière ces exodes et le monde tel qu'il est, bien loin de leur forêt. Pour leur plus grand effarement...
À première vue, le style animalier couplé au trait plutôt ligne clair de Julie M. peut faire penser à un récit jeunesse, mais dès les premières bulles, cette impression est dissipée : l'album est destiné à un lectorat plus âgé. Ultra-dynamiques, les dialogues s’enchaînent tandis que les répliques claquent et les vannes fusent. À toute allure, le lecteur est alors embarqué dans cette drôle d'aventure et découvre des personnages bien croqués et rapidement attachants. Très lisible - le choix de la trichromie comme de six cases maximum par planche n'y est pas étranger -, l'histoire se parcourt avec plaisir et l'on se retrouve à guetter le prochain rire au détour d'une situation loufoque.
Mais, bien que la première partie de l'album semble légère et presque anodine, avec ses gags et ses répliques qui font mouche, l'arrivée au camp marque un changement radical. Même si le dessin reste enjoué et doux, le ton, lui, se fait dur et le propos plus sérieux. En avançant dans le récit, l'autrice tape tous azimuts et n'épargne aucune dérive : gavage, pollution, espèce en voie d'extinction (Ping et Pong !), fonte des glaces, pollutions, radiations, modifications génétiques etc... Toutefois, si le message a l'avantage d'être clair - l'homme est responsable de la gravité comme de l'absurdité de la situation et de ses nombreuses victimes indirectes - on pourra regretter que sa redondance prenne, au final, le pas sur l'intrigue.
Avec ce Trou de la zone, Julie M. signe une fable écologique acerbe, bourrée d'humour, dont la fin devient anecdotique tant le propos est, malheureusement, d'actualité et pertinent.
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