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ncien professeur d’université, Saul Miller passe sa retraite à Melvile, sur les terres de son enfance. Il vit seul, isolé dans la forêt, sans éprouver le besoin de se mêler aux autres, à l’exception de Paz, une serveuse qui travaille dans le bar de la ville. Et de la fille de celle-ci, Mia, qu’il garde de plus en plus souvent pendant que sa mère travaille et à qui il donne des cours particuliers. Pour le reste, il mène une vie paisible, observant les étoiles dans le silence de la nuit et la nature tout au long de longues ballades journalières. Un soir, cette tranquillité est interrompue par des chasseurs voulant emprunter la route qui traverse sa propriété afin de traverser la vallée plus rapidement. Le refus de Saul est cependant mal perçu et, même s’ils finissent par rebrousser chemin après une altercation musclée, le quinquagénaire sent bien qu’ils n’en resteront pas là…
Deuxième livre de cette trilogie se déroulant dans cette bourgade fictive d’à peine cinq-cents habitants, L’histoire de Saul Miller n’est pas la suite de celle de Samuel Beauclair, mais un récit parallèle pouvant se lire totalement indépendamment du premier. Délaissant l’écrivain en manque d’inspiration du tome précédent, Romain Renard s’intéresse cette fois à l’un des rares habitants de Melvile à avoir fait des études. Ce passionné d’astronomie qui prend sur lui le rôle de tuteur de la petite Mia est immédiatement attachant, mais le harcèlement dont il sera victime de la part de deux individus à qui il a refusé le droit de passage sur son domaine, va progressivement mettre à nu une part plus sombre de sa personnalité. Tout comme il devenait vite clair que la feuille blanche n’était pas le principal souci de Samuel Beauclair, Saul Miller va devoir combattre ses propres démons. Au fil des pages, des non-dits et d’un passé trouble qui se dévoile petit à petit, l’introspection lente et intimiste du protagoniste principal ne manque une nouvelle fois pas de captiver.
Outre le portrait d’un homme révélant progressivement ses failles, l’auteur plante également un décor toujours aussi imposant. Cette forêt sauvage au milieu d’un bled perdu s’avère propice au développement de ce thriller psychologique rural oppressant, qui emporte volontiers le lecteur aux frontières du fantastique. La belle harmonie dégagée par les lieux fait en effet vite place aux mystères qu’ils renferment. Quelques cadavres d’animaux et un duo d’étrangers suffisent à faire basculer l’ambiance, avec la complicité experte d’un auteur qui sait faire monter l’angoisse en brouillant régulièrement les pistes et en installant un suspense lent, mais terriblement efficace. Puis, en toile de fond, Romain Renard propose non seulement une quête personnelle, mais également une réflexion sur notre place dans l’univers, invitant finalement son personnage à remonter la rivière qui traverse la région, à retourner dans le passé, voire même à scruter l’origine de tout dans les confins de l’espace…
Ceux qui ne seront pas happés par le scénario, ne résisteront cependant pas à l’atmosphère immersive de ce tome. Des teintes majoritairement sépia à l’impression d’isolement qui émane de cet endroit à la fois obscure et lumineux, l’auteur apporte un soin particulier à l’ambiance de ce récit qui vogue parfois à la frontière du réel. Le graphisme, souvent proche du photo-montage, est à ce titre une belle réussite, que ce soit au niveau du rendu très réaliste, des cadrages ou de ce jeu de lumières d’une beauté rare. En proposant une application gratuite disponible sur iTunes ou PlayStore, ce roman graphique va également au-delà de la simple expérience de lecture. De la bande son qui accompagne la lecture à une balade virtuelle de la petite communauté en mode « Street View », en passant par d’autres nombreux bonus, Melvile dépasse les limites du simple objet et prouve que le numérique est capable d’apporter une plus-value au neuvième Art au lieu de simplement se contenter de transformer nos belles bandes dessinées en un format pdf froid et impersonnel. Romain Renard va même encore plus loin, puisqu’il prolonge son univers graphique sur scène, où le spectateur à droit à un spectacle complet sur écran géant.
Atmosphère envoûtante, graphisme totalement immersif et intrigue prenante : il serait dommage de passer à côté de cette saga ambitieuse qui séduit au-delà des frontières du neuvième Art !
Que Romain Renard est fort !
Dès l'entame de l'album, il fait preuve d'une subtilité rare pour introduire et développer son intrigue. En quelques regards, quelques silences et quelques étrangetés, l'ambiance est posée.
Tout est nuancé, mesuré, précis et d'une fluidité exemplaire. Cette élégance graphique et scénaristique qui laisse une place importante à l'oeil du lecteur m'a définitivement accroché.
Concernant le dessin, un trait aussi réaliste continue d'étonner et provoque parfois une sorte de sidération. Mais loin de se complaire dans sa virtuosité, chaque posture, chaque expression de visage est porteuse de sens et sert le récit.
Il en va de même pour les dialogues dont le moindre mot est pesé. Quel que soit le contexte ils apportent toujours des éléments renforçant le caractère ou la psychologie des personnages. L'auteur installe une telle proximité avec eux qu'ils en deviennent plus vrais que nature.
Le tout serti dans le décor majestueux de la forêt cernant Melvile, cette petite bourgade perdue à la Twin Peaks. En témoignent les 11 planches muettes au 2/3 du livre, d'une beauté magique, seule respiration dans un scenario ne laissant aucune échappée.
Malgré une histoire somme toute très simple, la tension est omniprésente et devient par moment suffocante. Ce climat est alimenté par la dimension fantastique qui sous-tend l'ensemble et vient troubler la perception des protagonistes autant que celle du lecteur. Saura-t-on ce qu'il se passe réellement à Melvile ? Qui voit quoi ? Et surtout, qui est ce qui et quel est ce quoi ?
Quand je lis Melvile je me rappelle pourquoi j'aime autant la BD.
Un 3,5/5 n'étant pas possible à choisir sur BD Gest, c'est pourtant la véritable note que j'attribue à ce 2e tome de Melvile.
Un ressenti un peu plus emprunté que l'histoire du 1er opus, celle de Samuel Beauclair.
Mais parlons d'abord d'un des plus beaux rendus graphiques en matière de BD ces dernières années. Romain Renard appose une ambiance rare et tellement immersive. Les couleurs sépia aident considérablement à rendre une atmosphère aussi chaleureuse qu'anxiogène. L'auteur nous avait déjà fait part de cette parfaite maîtrise dans le précédent album, celui-ci n'est qu'une confirmation. Désormais en BD il y a le dessin type "Romain Renard", un des plus agréables pour les yeux.
L' Univers qui entoure cette ville imaginaire qu'est Melvile est tellement envoûtant qu'on pourrait acquérir les albums dont il est issu, les yeux fermés.
Un seul bémol personnellement pour ce deuxième tome. J'ai moins adhéré à la vie de ce nouveau personnage qu'est Saul Miller. Son passé et ce qui lui arrive dans l'histoire ne m'a pas autant convaincu que le destin de Samuel. Ce qui n'enlève rien à la qualité de l'intrigue assurément bien menée.
Le schéma est similaire d'avec le 1er tome. Un personnage principal écorché, tiraillé par un lourd passé. Un décor sombre, une maison pommée. Des personnages secondaires qui tentent de le maintenir vers le haut et qui ont leur intérêt. Des éléments mystiques, des menaces physiques. Voici les ingrédients principaux pour élaborer un scénario solide dans Melvile.
Ainsi, outre le personnage pour lequel je n'ai pas trouvé d'empathie, Melvile #2 doit se lire pour des tas de raisons. On entre dans cette ville et notre curiosité voudrait que l'on puisse connaître l'histoire de chacun de ces presque 500 habitants.
L'appli dédiée à cette série offre la possibilité de voyager un peu + en se baladant dans ce surprenant univers et ce, notamment en musique. Pour peu qu'on veuille nous-mêmes y narrer une histoire....
A la manière d'une excellente série télévisée (X-Files, au hasard), Melvile se suit intensément et ce même si l'épisode peut s'avérer moins accrocheur que le précédent ou le suivant...
En résumé, tout amateur de BD se doit de découvrir Melvile ! :)
Que dire, encore mieux que le N° précédent et c'est peu dire
Le scénario, le rythme, le final, les dessins, les textes tout est maîtrisé comme très rarement et ce au bénéfice d'une immersion et d'un suspens comme savent le faire les meilleurs écrivains contemporains américains. Superbe