L
a cité de Borea vit des heures terribles, ses dernières peut-être à en juger la fulgurance de l'invasion. Depuis quelques heures seulement, Nemo déverse ses forces dans les rues de la ville marchande, jusqu'à l'emplir du vacarme de ses machines de guerre.
Aux mêmes instants, Timo et Luce échappent de peu à leurs assaillantes et trouvent en la personne du surintendant Piropa le moyen providentiel de fuire la cité envahie. Dans les rues, la résistance s'organise et les explosions erratiques rappellent sans cesse le trop grand déséquilibre des forces en présence. A bord de leur vaisseau, Leponte et les dirigeants de Borea fuient à grande vitesse vers la capitale de Mose. Informer les gouverneurs de l'Empire de l'invasion est une priorité absolue !
Se profilant dans les ombres d'une population affolée, le peuple Ensevelis poursuit sa mystérieuse quête, éliminant quiconque se posera sur leur chemin...
Esquissées dans un premier tome au rythme enlevé, l'originalité et la richesse de L'Anneau des 7 mondes trouvent dans Alliance un heureux développement. Certes, l'urgence qui presse les protagonistes donne toujours autant le vertige; reste que la multitude des enjeux laisse au récit toute sa lisibilité et procure une lecture dense et soutenue.
Au fil des pages, les scénaristes G. Gualdoni et G. Clima nous guident, au-delà de l'enceinte de Borea, à la découverte d'un univers aux reflets 'miyazakiens'. Le trait évocateur de Piana y contribue beaucoup mais cet hommage est également esquissé dans l'importance donnée aux moyens de transports, à la présence d'esprits primitifs encore tapis, à l'originalité des architectures et des cités, ou encore dans la portée politique, technologique et écologique de certains enjeux. Sous couvert d'un récit de pure 'fantasy', L'Anneau des 7 mondes évoque des problématiques bien réelles, à l'image de cette guerre préventive menée par les 'Démons' de Nemo. Manipulés, ces derniers préfèreront lancer les premiers l'offensive contre l'Empire de peur de subir à leur tour une invasion hautement improbable. Cette absence de manichéisme n'est pas non plus sans rappeler l'esprit des oeuvres animées de Miyazaki.
Alliance est l'occasion de calmer un peu la frustration du brutal cliffhanger du premier tome et nous livre de nombreux éclaircissements, qui ne manqueront pas, à leur tour, de tisser de nouveaux mystères (la quête du peuples des Ensevelis, l'infiltration des Primogènes parmi les dirigeants humains, ...). Par la multitude de ces amorces narratives, les scénaristes promettent au lecteur une suite plus riche encore. La trame plus basique de Timo, Luce et Piropa, ou encore, les scènes de résistance urbaine contre Nemo, redonnent au récit un souffle épique que trop d'intrigues auraient pu plomber.
Le premier tome avait marqué par la légèreté de son trait et une colorisation toute en nuance. Plus contrastées, les ambiances de cet album ne perdent cependant rien de leur charme. Le style de Piana, tout comme son découpage, mise sur la simplicité et la parcimonie du détail. C'est dans quelques perspectives et cadrages audacieux que l'on surprendra néanmoins la prétention du dessinateur à innover. Les décors témoignent quant à eux d'une recherche épure, au service d'architectures singulières. Entre volutes de vapeur et lueurs électriques, la colorisation de Turotti superpose à la finesse du dessin les matières et les éclairages propres à cet univers teinté de 'steampunk'. Vous aurez beau écarquiller les yeux, vous ne percerez pas les brumes stagnant dans les bas-fonds de Borea, pas plus que vous ne pourrez vous débarrasser du sable et de la poussière qui accompagneront votre immersion.
En deux albums, L'Anneau des 7 mondes parvient à créer un univers de toute pièce, riche d'une Histoire et d'une mythologie peu commune. Les Humanos accueillent dans leur catalogue une série prometteuse, et permettent du même coup à ce quatuor d'auteurs une reconnaissance qui est désormais assurée de franchir les frontières transalpines.
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