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aris, début des années cinquante. Daniel Brodin aime se décrire comme un poète, même s'il n'a jamais rien publié. Étudiant monté à Paris pour faire son droit, la trépidante vie artistique de la cité va évidemment l'attirer et l'emporter. Avocat ou créateur, son avenir va rapidement se brouiller, surtout que les filles sont belles et que le vin est bon.
Malgré son titre qui en appelle directement au néoréalisme cher à Vittorio de Sica, Le voleur de livres se lit plutôt comme une fable initiatique mâtinée d'une satire sociale des castes intellectuelles. Découpé en chapitres aux titres provocateurs (« Travailler, c'est pour les cons.», « Si je gagne tout le monde est mort. », « La poésie, c'est pour les cons ! », etc.), le scénario suit les déambulations de Brodin, un jeune homme opportuniste, qu'un coup du sort, à la limite de la malhonnêteté, va mettre au centre du microcosme littéraire. Il va ensuite s'acoquiner avec un groupe de pseudo-révolutionnaires avinés tenant d'un Situationnisme de circonstance. Une théorie toujours aux lèvres pour justifier leurs méfaits, ces malandrins iront, pour certains, aux limites de l'absurde vers leur trépas.
Utilisant avec desseins le fourmillement du Saint-Germain-des-Prés d'après-guerre, Alessandro Tota (Terre d'accueil) dresse un portrait amusé et convaincant de cette foule bigarrée, sans oublier les stars du moments telles que, parmi tant d'autres, Jean-Paul Sartre et sa cour. Cette fresque qui mêle réalité et fiction est jouissive, car le scénariste n'hésite pas à mettre de l'avant l'hypocrisie et la superficialité de ce public, qui, pour la majorité de ses membres, est plus intéressé à se montrer qu'à réfléchir. En revanche, sa vision de l'Artiste, n'est guère engageante. En effet, son personnage principal ne prête guère à la compassion, tant il se révèle déplaisant. À sa décharge, celui-ci doute beaucoup face aux sacrifices exigés par la carrière qu'il envisage et c'est sans parler de ses relations avec sa famille, qui voit d'un mauvais œil son changement de vocation. Plus grave, sur la longueur, l'auteur tombe un peu dans les mêmes pièges que son apprenti écrivain et la narration finit par errer plus que par raconter. L'album devrait néanmoins séduire les amoureux de cette période dans laquelle les idées et l'engagement, même les plus saugrenus, donnaient le la à la société.
Pour un premier album, Pierre Van Hove s'en sort avec les honneurs. Son trait charbonneux s'avère parfaitement en accord avec l'ambiance bohème et anarchisante du récit. Plus sombre qu'une Catel dans Kiki de Montparnasse et moins cinglant que Blotch de Blutch, le dessinateur reconstitue avec précision Paris et ses boulevards. Même si certaines ballades sur le pavé rappellent Tardi (difficile d'échapper à la comparaison, quand on montre la capitale en noir et blanc), Van Hove parvient à se distinguer et à s'imposer. Toujours au service des mots, la mise en scène est simple et sans artifice. Cette efficacité et cette lisibilité est appréciable, surtout à la vue de l'immense distribution de cette histoire-fleuve.
Peut-être un peu trop ambitieux dans sa volonté d'embrasser toutes les facettes de son époque, en plus de suivre minutieusement le cheminement de son héros, Le voleur de livres mérite qu'on s'y arrête, ne serait-ce pour découvrir le nouveau venu, Pierre Van Hove.
pourquoi cet album est il ,en attente de validation je l ai acheté
il y a 15 jours impossible de l'intégrer a ma collection pourtant il y mérite sa place largement..,