À force d'entendre des histoires à propos de l'Algérie, Olivia, petite-fille de pieds-noirs, a décidé d'aller sur place pour se faire sa propre idée sur ce supposé pays de cocagne tant vanté et regretté par les différents membres de sa famille. Le fossé entre souvenirs d'il y a plus de cinquante ans et réalité d'aujourd'hui va transformer son voyage en une expérience culturelle pour le moins enrichissante.
Mêlant récit autobiographique et quête pour ses origines, L'Algérie c'est beau comme l'Amérique se déroule tel un road-movie dans lequel rencontres et réflexions sur les peuples se succèdent au rythme des kilomètres avalés. Même si elle a parfois souffert du regard des autres, particulièrement à l'école, Olivia Burton a toujours été curieuse de cette contrée évoquée avec tant de nostalgie par des parents hauts en couleur et forts en voix. Accompagnée par un guide, Djaffar, davantage que son passé, elle va croiser une population meurtrie (les cicatrices laissées par le GIA sont encore fraîches) chez qui l'hospitalité n'est pas un vain mot. À son retour, elle n'aura pas trouvé grand-chose de la douce atmosphère chantée par ses oncles et tantes, mais cette expérience nord-africaine l'aura définitivement changée.
L'album, au ton très - parfois trop - personnel, navigue entre deux eaux. La jeune femme court après des chimères (le témoignage de sa grand-mère dont les feuillets finiront par s'envoler au vent) et ne croise que des habitants pour qui cette époque si lointaine est déjà quasiment oubliée (depuis les « événements » chers à De Gaulle, deux générations se sont succédées). Piochant des éléments à gauche et à droite, le scénario se révèle passablement disparate sur la longueur. Le mélange d'anecdotes familiales nébuleuses et de scènes contemporaines à la fois prenantes et révélatrice laisse souvent le lecteur sur sa faim. Heureusement, le personnage de Djaffar permet de donner un semblant d'ordre à cet ensemble parfois un peu brouillon. En plus de son rôle de facilitateur, il offre une vision lucide et sans fard de sa patrie. Cet éclairage, certes sévère, mais lucide et d'une grande intelligence, est peut-être la partie la plus forte de l'ouvrage.
Aux pinceaux, Mahi Grand rend une copie maîtrisée à défaut d'être habitée. Si les protagonistes sont montrés avec précision, le rendu de la géographie et de ses grands espaces déçoit. Ce n'est pas une question de technique, car le dessinateur est à son affaire. Par contre, un peu plus de souffle aurait certainement donné plus d'âme aux extraordinaires panoramas traversés par la narratrice. Au final, même s'il manque un petit quelque chose, L'Algérie c'est beau comme l'Amérique est globalement réussi, particulièrement grâce à l'énergie et la volonté sans faille d'Olivia.
Pas mal. Dessin pas top (sans être dégueulasse toutefois, comme beaucoup trop de "romans graphiques" contemporains), mais le récit est intéressant, ce pèlerinage vers le passé familial - et avec lui vers la guerre d'Algérie - sonne juste. Et la narratrice/héroïne a la bonne idée de mettre en scène à ses côtés son guide, personnage bien plus attachant qu'elle. Ca se lit avec plaisir.