« La nouvelle virilité ». C’est sous ce titre que Pascal Brutal a fait une entrée fracassante dans la bande dessinée en 2006. Tout un programme fait de testostérone, de machisme, d’amour du rap, d’homosexualité coupable et de totale stupidité. Que tout ce portnawak ait valu un Fauve d’Or à Angoulême à Riad Sattouf en a laissé plus d’un la bouche ouverte et les yeux écarquillés, mais il faut bien admettre que la série a quelque chose que les autres n’ont pas, sorte de mélange hasardeux mais souvent réjouissant d’humour débile et de critique sociale acerbe.
L’exercice est casse-gueule, évidemment. Parfois répétitifs, les gags peuvent lasser : force est d’ailleurs de constater qu’un personnage aussi monolithique que Pascal Brutal n’offre que peu de variations possibles. Quand on a fait le tour de son imbécillité congénitale, de son identité sexuelle fluctuante et de sa force brute qui dissimule une tendresse larvée, que dire encore ? Que faire ? Quelques épisodes de ce tome « quattro » restent dans la droite ligne de ce qu’on a connu auparavant, mais l’auteur utilise aussi son anti-héros dans plusieurs rôles de composition (rappeur, acteur ou capitaine de l’équipe nationale de foot, par exemple). Autant d’incarnations qui permettent à Riad Sattouf de multiplier les attaques contre un monde qu’il juge inepte, mais qui – et c’est regrettable – font un peu perdre de son étoffe à un Pascal mis à toutes les sauces.
Pascal Brutal est ici à un tournant : stop ou encore ? Y a-t-il possibilité de se renouveler pour celui qui, malgré tous ses défauts, fait chavirer les cœurs ? Réponse au prochain numéro. En attendant, la série reste une curiosité, quelque chose de pas vraiment définissable qui attire autant qu’il repousse. Quitte ou double, en somme.
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Autant j’ai “intellectuellement” du mal avec le Ryad Sattouf de “la Vie Secrète des Jeunes" ou de "l’Arabe du Futur", qui me semblent trahir par leur pessimisme une vision "sans empathie" d’une humanité bornée, sans avenir, autant Sattouf me semble exploser complètement ces réserves avec sa brillante série "Pascal Brutal", et démontrer a contrario qu’il est plus que capable de transcender la simple observation satirique de la bêtise pour atteindre à la fois des sommets comiques et une plus grande finesse dans son analyse politique (voire sociologique). Et ce qui est fantastique, c’est qu’au quatrième album des aventures bestiales du plus grand héros français (quelqu’un se souvient du SuperDupont de Gotlib et Lob ? Le principe est a priori le même, mais la réussite de Sattouf beaucoup plus évidente), la veine semble toujours inépuisable : l’idée géniale de ce « Quattro », c’est de faire endosser à Pascal les oripeaux des modèles (ou anti-modèles, selon le cas) masculins de notre époque, du rappeur au footballeur, en passant par le stand up comedian ou le fils à papa dégénéré, et de pousser ainsi jusqu’au bout la logique « du spectacle » en exagérant les stéréotypes qui la nourrissent. Sattouf développe ainsi une véritable parole politique autour des thèmes les plus sensibles de la société française, tout en n’oubliant pas de munir son héros de « failles » qui le rendent sympathique au delà du ridicule des situations : la tendance homosexuelle de Pascal, qui revient régulièrement et humanise le personnage, en est bien sûr le plus bel exemple. On peut aussi reconnaître ici, en mois poussé il est vrai, une poésie de l’absurde qui évoque le meilleur de Pierre La Police. Et bien sûr, répétons-le, le tout est incroyablement drôle !