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n soir de crémaillère chez Apollinaire, Cremitz chante l'histoire d'une gamine née dans un bordel de Tunis et que sa mère vend à un Parisien en lui faisant croire que c'est une prodige du violon. Le bourgeois, déçu, la renvoie dans un orphelinat. Fernande, qui se sent délaissée depuis que Pablo travaille d'arrache-pied sur un grand projet, décide de la retrouver et de l'adopter. Au bout d'un mois, ce caprice se retourne contre elle : un soir qu'elle rentre lessivée par toutes ces tâches maternelles dont elle n'a pas l'habitude, elle retrouve la fillette nue, écartelée sur une chaise, exposant un entrecuisse que le peintre saisit sur le papier... C'est le début de la fin... et le début d'un mythe.
Mai 1907, la démarche artistique amorcée dans le tome précédent est en train d'aboutir. Toile de deux mètres de haut, corps massifs et coupants comme des lames de granit, devant l'incompréhension de ses proches, Picasso donne les derniers coups de pinceaux au Bordel, connu aujourd'hui sous le nom des Demoiselles d'Avignon. Il y exprime sa colère envers Fernande, sa volonté d'exorciser le désir qu'il a pour elle dans une œuvre qui va en faire un maître, à l'égal de son rival Matisse. Cette violence picturale qui germe dans les délires opiacés de la bande du Bateau Lavoir est paradoxalement et justement rendue par la douce aquarelle de Clément Oubrerie. Plus particulièrement dans sa façon de traiter les regards, son trait lie le génie et la folie et accompagne cette équipée hallucinée qui touche à son terme. Au sortir d'une fête en l'honneur du Douanier Rousseau, Max Jacob prophétise à Fernande : Montmartre, c'est terminé, « il te rayera même de l'histoire de l'Art ». Triste hommage à cette femme qui a soutenu et guidé l'artiste durant ses années charnières vers sa consécration et pose la question : Que serait Picasso sans Fernande ?
Une très belle série qui s'achève dans le chaos des créatifs, avec une ambiance qui préfigure avec quinze ans d'avance le tourbillon des Années Folles. Une magnifique introduction à un monument de l'histoire de l'art du XXe siècle.
Après la très belle exposition "Picasso : Dessiner à l’infini" (2023-Beaubourg) à l’occasion des cinquantenaires de la mort de Picasso, il convient de lire le dernier tome de la série "Pablo-tome 4 : Picasso" (2014-Dargaud), de la scénariste Julie Birmant et du dessinateur Clément Oubrerie, qui nous raconte comment Picasso ,en 1907, visionnaire avec le cubisme et les "Demoiselles de d’ Avignon" inspirées de l’ Art Africain, rentre dans l’ Histoire de l’ Art(mais personne n’y comprend rien), et dit donc adieu à tous ses amis poètes et peintres du Bateau-Lavoir (Apollinaire, Braque, G. Stein …) tout en rendant hommage au vieux Douanier Rousseau, Peintre de la Modernité.
Qui sont les auteurs ? Julie B., née en 1974, journaliste et scénariste de BD sur l’Histoire de l’Art. Et Clément O. qui a entamé des études d’art puis a partagé sa vie entre BD, musique et voyage.
Le texte illustre cette vie d’amitiés, de recherches et de révoltes des artistes du Bateau-Lavoir. Picasso, génie associable (il ne supporte pas ses admirateurs et ne va pas à l’enterrement de son disciple) à Matisse, et son amour qui sera oubliée. Et le défilé des grands noms de la Poésie et de la Peinture à leurs débuts.
Et les dessins sont crayonnés, intimistes et indépendants.
A lire.
Désormais conscient de son génie, Pablo devient Picasso en dévoilant au public ses "Demoiselles d’Avignon", tableau inouï qui acte la naissance de l’art moderne.
Suite à quoi il quittera le Bateau-lavoir, son mythique atelier. C’en est fini de sa vie de bohème. Les auteurs baignent cet album dans la mélancolie pour clore cette parenthèse enchantée.
Une série qui retrace fidèlement les débuts d’un des plus grand peintres de tous les temps, tout en faisant une chronique douce-amère de la misérable Butte Montmartre, hantée de poètes et de fous qui changeront radicalement le visage de l’art mondial.
Si le scenario a tendance à se disloquer par moment et que Julie Birmant aura peiné à en maintenir la fluidité, Clément Oubrerie signe encore des dessins de toute beauté qui rendent un hommage inspiré aux illustres artistes qui peuplent ces 4 « Pablo ».
Bravo à tous les deux !
Picasso devient Picasso en trouvant son style et commence à avoir du succès, cela sent aussi la fin de l'histoire avec Fernande et donc la fin de cette histoire de la naissance d'un génie.
Ce tome de clôture est donc bien venu, et le tout forme un tableau cohérent et instructif, mais il était temps que ça s'arrête car cette vie de bohème commençait à devenir lassante, et les protagonistes eux-même veulent tournent la page.
Une très bonne série qui fait bien de se terminer en 4 tome.