D
ès 2008, Pino Creanza effectue de nombreux voyages au Caire. À force de rencontres et de balades hors des sentiers battus, il tombe sous le charme de la capitale et de ses résidents. En janvier 2011, le pays se soulève, la place Tarhir est occupée et le régime d'Hosni Moubarak ne va pas tarder à tomber. Entre élan révolutionnaire et amour des vieilles pierres, Cairo Blues est né.
Le Caire du XXIe siècle est une mégalopole insaisissable qui, à l'image de toute l’Égypte, est l'héritière d'une histoire plus que millénaire. Partout, le passé et le présent se côtoient, se mélangent et se confondent. Au fil des pages, Creanza ne cesse de montrer ces enchâssements monumentaux et culturels : ici un vieux quartier juif, là une étrange bâtisse dont les moellons semblent avoir été récupérées sur une pyramide. Fin observateur, l'auteur ne se limite pas à une simple promenade touristique, mais partage également ses échanges avec les habitants du lieu, comme, par exemple, avec les Zabbalines. Ces éboueurs officieux récupèrent et recyclent à peu près tous les déchets produits dans la ville, l'empêchant ainsi d'étouffer sous les ordures. Commerçants, simples passants et jeunes désœuvrés vont devenir les vecteurs de la révolution. De guide, le dessinateur se mue alors en journaliste. Il raconte et met en contexte les événements, s’entretient avec différents acteurs – particulièrement les blogueurs – et témoigne de l'effervescence et des dangers que l'agitation politique génère.
Cairo Blues laisse malheureusement un peu sur sa faim. Mi-travelogue, mi-reportage, l'ouvrage manque d'homogénéité. Au lieu de se compléter, les deux axes scénaristiques s'ignorent le plus souvent : d'un côté la visite, de l'autre l'actualité. Cette situation est d'autant plus regrettable que l'affection porté par Créanza à la cité est vraiment palpable. Les illustrations architecturales sont admirables et les scènes « sur le vif » auprès des manifestants, pleines d'énergie. La lecture est globalement agréable, même si, au final, le sentiment de passer à côté de ce qui aurait pu être une grande bande dessinée domine.
L'auteur nous emmène dans une exploration de la ville du Caire peu avant la révolution du printemps arabe. On découvre surtout la beauté des bâtiments, mais également la misère sociale et à l'opposé la corruption des élites financières et du pouvoir politique incarné par le dictateur Hosni Moubarak.
On découvre également l'emprise de la religion et des règles particulièrement conservatrices et j'avoue allègrement que cela m'a fait peur. Attention par exemple pour un touriste de ne pas se tromper de wagon réservé à l'autre sexe.
Il est vrai qu'on passe d'un sujet à l'autre sans véritable cohérence. C'est comme une ballade qui nous transporte au gré de la brise qui souffle aux abords du Nil majestueux. La place Tahrir n'aura plus aucun secret pour vous lecteur. Bref, une chronique sociale assez attachante de cette société en pleine révolution ou évolution. On regrettera une fin un peu abrupte qui ne laisse pas la place à une belle conclusion.