C
’est un peu par hasard que Yeon-Sik, l’auteur, et son épouse, So-Mi, atterrissent dans une petite maison loin de tout, située à flanc de montagne, perdue au bout des derniers mètres praticables d’un chemin de terre. Au commencement, l’idée était simplement de déménager, un projet essentiellement portée par elle, lui laissant faire. Puis les événements se sont accélérés, le coup de cœur a emporté la décision, un rien irréfléchie, et les cartons avec. Dans le camion de déménagement qui les emmène hors de Séoul, un peu à la manière d’une prise de conscience, il s’interroge en son for intérieur : « Pourquoi je pars d’ici ? J’ai passé trente ans de ma vie dans cette ville. Est-ce que je pars volontairement ?... ». Le charme de l’automne et la magie du changement balayeront ses doutes, momentanément.
Retour à la terre et conséquences. L’auteur n’inscrit pas sa démarche dans le cadre d’un mouvement de société plus ou moins avéré, ni même ne le place en perspective par rapport à cela. Il livre le témoignage brut de l’aventure de son couple confronté à la réalité de son choix : la beauté environnante, le calme et la qualité de l’air, le portable qui ne capte que perché sur une souche du jardin, le silence et les bruits de la nuit, les copains d’avant qui ne passent pas, certes, mais pas seulement. Certains repères de l’équilibre passé sont bouleversés par ce changement. Si elle s’en accommode fort bien, voire s’épanouit, lui se révèle plus fragile.
L’hiver constituera le point de basculement.
Dans le déchaînement du froid, alors que la situation financière des jeunes gens devient problématique, cela sans parler de la relation compliquée qu’entretient Yeon-Sik avec sa pratique du manhwa, elle sera le roseau, il sera le chêne. La nature qu’il perçoit comme hostile va le briser. Il va subir, sans essayer d’influer sur le cours des choses. Cette période sera assez révélatrice de son rapport à la création, qui se résume, à l’époque, à un travail de commande qui l’accapare. Il sombre et le couple vacille ; mais tient bon. Après l’hiver, vient le printemps. Le temps de l’éclosion d’un nouveau cycle pour la nature, le temps de l’apaisement et de la résilience, le temps de la naissance d’un auteur ; Histoire d’un couple en est le témoignage.
Pavé de plus de cinq-cents pages, cette bande dessinée se lit d’une traite, tout en se savourant. Il se dégage des planches un sentiment profond de plénitude, notamment dû à l’utilisation de l’espace par le dessinateur, qui offre de s’imprégner de l’environnement dans lequel évolue le couple. Sans en faire trop, il rend toute la magnificence des paysages au moyen d’un trait qui semble effleurer le papier. Une légèreté qui se retrouve dans sa manière de raconter les choses, avec simplicité et non sans malice. Le recul pris sur le passé peut-être…
Se sentir vivre, pour le meilleur et pour le pire, ensemble, c’est un peu l’Histoire d’un couple.
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