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lle a tout pour être heureuse, un mari aimant, des bambins adorables, un métier qui fait rêver et pourtant... Caroline est rongée par un mal incompréhensible qui dévore peu à peu toute parcelle de bonheur dans son esprit, la plonge dans une noirceur indicible, un malaise inexprimable car absurde.
Chute libre est l'autopsie de la dépression, cette maladie honteuse de l'âme, considérée comme une excuse de tire-au-flanc ou d'emmerdeuse, mal interprétée, mal soignée. D'un trait simple et minimaliste, Mademoiselle Caroline décrit sept années perdues à marcher à côté de sa vie. Elle décortique les échecs de la médecine et de la psychiatrie classiques, la façon dont elle tourne en rond à raconter les mêmes anecdotes, à se démolir la cervelle à coup d'expédients chimiques qui ne cachent que des symptômes superficiels. Un parcours du combattant, avant de trouver son sauveur : le bon thérapeute qui va traquer le mal à sa source, au cœur des méandres du cerveau, et l'éradiquer définitivement, sans médicament trompe-l’œil.
La dépression est ainsi traitée dans tous ses aspects, vus de l'intérieur. Il ne manque qu'un détail, à peine esquissé : ce que subit l'entourage. Et ceci est révélateur, car la caractéristique du dépressif, c'est de se replier sur lui-même, de n'être à l'écoute que de sa propre souffrance qui envahit tous les sens et conduit à se couper de toute empathie vis à vis des proches. Impuissants, ils finissent souvent par baisser les bras devant le manque de réaction et de volonté manifeste, face à cet auto-apitoiement permanent, puis par fuir avant, à leur tour, de finir dévorés.
Sous des faux airs de blog girly, Chute libre est un livre-témoignage qui a valeur de thérapie, autant pour les malades, qui y trouveront un véritable espoir, que pour tous ceux qui les côtoient au quotidien.
Chute libre est une bd qui aborde un thème difficile puisqu’il s’agit de la dépression. On va vivre la dépression de l’auteur qui nous conte son expérience dans les moindres détails entre 2003 et 2010 pour être précis. On apprend que la dépression est une maladie qui provoque la souffrance de l’être dans sa chair et sur son mental. Ami dépressif, lecture à éviter ? Je ne pense pas car il est toujours intéressant de comprendre les mécanismes pour avoir des clés de sortie. Cela part d’une bonne intention.
Récit touchant pour les uns, surexposition d’un moi égocentrique pour les autres. Je vais être très dur dans les propos qui vont suivre. J’ai bien compris que la dépression est une maladie abstraite au même titre que l’alcoolisme par exemple. Ce n’est pas la faute des gens qui en sont atteint. Nous avons un auteur qui a un travail formidable, trois enfants formidables et un mari formidable (et non fort minable). Bref, elle a tout pour être heureuse mais elle va vivre la dépression.
En effet, j’éprouve plus de compassion envers les pauvres, les miséreux, ceux qui luttent contre la maladie, ceux qui perdent un être cher, ceux qui sont seuls après des difficultés de la vie. Pour moi, la dépression est un luxe intellectuel que certaines personnes ne peuvent se permettre. Bref, je n’arrive pas à m’apitoyer sur le sort de l’auteur alors que l’émotion peut me gagner facilement. Pire que cela, j’éprouve une forme d'indifférence.
L’auteur va connaître plusieurs psychanalyses avant de trouver le bon et nous donner les bons conseils. La recette : dessiner une petite croix sur la main et faire ce qu’on appelle une crise de calme avec la respiration et un peu de concentration. Cependant, ne jamais arrêter les anti-dépresseurs. Oui, j’ai trouvé cela pathétique sans vouloir m’enfermer dans une attitude de préjugés. C’est un sujet difficile mais traité avec suffisamment d’humour pour ne pas sombrer dans cette chute libre.
L’auteur a pour objectif de déculpabiliser les sujets à dépression. Mission réussie. Pour ma part, je ne suis pas convaincu. Certes, c’est une maladie généralement incomprise. Cette bd sera bien utile aux médecins pour expliquer la maladie à leur patient. Elle devrait sans doute être prescrite à la place du médicament. Comme disait Confucius, "la plus grande gloire n’est de ne jamais tomber mais de se relever à chaque chute". Ou encore Oscar Wilde : "le pessimiste est celui qui, entre deux maux, choisit les deux". Il avait tout compris !