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algré les avertissements de sa mère, Soizic décide de quitter le continent pour ouvrir une maison d'hôtes sur l'île d'Ouessant, terre la plus occidentale de la France métropolitaine. Dès son débarquement, un malaise l'assaille. L'accueil des insulaires est sourdement hostile envers l'étrangère : réactions rudes de rejet, médisances, mépris ("la dingo"). Il n'y a que Marie qui semble l'accueillir avec bienveillance. Quelques mois plus tard, au moment de la messe, la vieille dame est retrouvée pendue, mort suspecte selon le taciturne Caradec, car elle était trop âgée pour se tuer, elle n'avait plus qu'à attendre. Si elle laisse ses économies à ses quatre amies célibataires, les « corneilles », à la stupeur générale, elle désigne Soizic pour mettre en ordre ses affaires et trouver ainsi un moyen de "mériter sa place". La jeune femme prend son rôle avec ténacité et se met en quête du secret de Marie mais peut-être aussi sa propre voie.
L'un des aspects du talent narratif consiste à être capable de tirer cent onze pages captivantes à partir d'une mince canevas. Il ne faut pas se laisser rebuter par le dessin aussi brut et rugueux que son sujet car il n'y a pas trace d'ennui dans ce récit initiatique. C'est un véritable plaisir de suivre Soizic dans son expatriation, de la voir faire face à des difficultés certes exotiques, légèrement caricaturales (le côté taciturne très accentué des îliens, les touristes parisiens imbuvables et le couple de lesbiennes forment un contraste qui fait sourire mais pose une question sur sa crédibilité) et à des questionnements universels sur les choix de vie. Au delà de cette trame qui traduit les angoisses de la jeunesse actuelle, le besoin de chercher un emploi ailleurs, de réaliser un rêve puisqu'elle n'a plus rien à perdre dans la réalité, Ouessantines constitue avant tout le portrait d'un territoire à fort caractère. La mise en scène d'un véritable dépaysement à seulement 20 km de la côte du Finistère, une île qui semble s'être perdue dans le temps, avec ses maisons en pierre, sa foi, ses traditions uniques et sa méfiance immémoriale envers le changement. C'est aussi un hommage à toutes ces femmes qui, pendant des siècles, ont maintenu une occupation humaine sur ce bout de caillou isolé au milieu des flots furibonds, collectant le précieux goémon, gérant biens et troupeaux, pillant les épaves au nom du droit de bris tandis que leurs maris et fils disparaissaient en mer. « Qui voit Ouessant voit son sang » funeste dicton qui résume un historique atypique expliquée dans un cahier photographique en fin de volume.
Une lecture intéressante pour la découverte d'une communauté insulaire qui tente tant bien que mal de se préserver du nivellement du tourisme. Une histoire de secrets et de naufrage, des vies gâchées au nom de l’identité.
Pour qui connaît l’île, cet album est un régal familier et fort fidèle à la réalité. L’enquête est plus anecdotique, bien qu’elle permette de superbes ambiances.
Dernièrement, j’ai appris un célèbre dicton dans une île bretonne: « qui voit Sein, voit sa fin ». Ouessant n’est guère mieux lotie : « Qui voit Ouessant, voit son sang ». Tout cela n’est pas très accueillant ! Notre héroïne Soizic qui a décidé de se lancer dans une maison d’hôte sur cette dernière île va en faire l’amère expérience à travers l’hostilité de ces îliens. J’ai beaucoup aimé le début de cette histoire où une personne essaye de bâtir un projet afin de changer de vie mais en faisant face à beaucoup d’hostilité du monde qui l’entoure.
Progressivement, au fil du récit, on va tomber dans quelque chose de plus dramatique. A la manière d’un roman policier, notre héroïne devra résoudre une énigme. La fin rappelle nettement les Agatha Christie où tout nous est révélé sans qu’on comprenne réellement ce qui a amené à ce développement. C’est un peu léger comme conclusion.
Cependant, j’ai beaucoup aimé cette histoire pour son ambiance et notamment avec pour thème les ouessantines qui ont beaucoup souffert de par leur histoire. La fraîcheur du trait rappelle celle de notre héroïne résolument moderne. J’ai bien aimé ses réflexions sur les clients. Certains n’arrivent pas à se déconnecter d’internet alors que ce type de séjour doit permettre de s’évader.
C’est une bd sur l’âme bretonne et un hommage appuyé à Ouessant. Un bon moment de lecture en perspective !
Histoire pleine d'humanité de cette jeune fille qui décide de refaire sa vie en ouvrant des chambres d'hôtes à Ouessant, et va se heurter à l'hostilité des vieilles filles de l'île dont elle va percer le secret. Les personnages sont attachants, le huis clos de l'île est bien rendu, même si on en découvre son paysage que dans le carnet photographique de la fin.
Un bon roman graphique.