A
ttentionné, une bonne bouille surmontée de grosses lunettes par-dessus lesquelles il regarde et qui lui donnent un air posé, Nills a tout du mec mignon. Amoureux, la perspective de passer un moment seul avec Anaëlle dans une maison perdue au milieu de la forêt le rend heureux. Pourtant, entre deux confidences hésitantes, la jolie brune au caractère bien trempé le rabroue dès qu’il évoque un projet de vie commune. La masure et la jeune femme n’ont finalement pas tout révélé de leur vraie nature ni de leur histoire. Dès la première nuit, tout bascule et Nills plonge dans un univers étrange…
Kairos constitue l’une des belles surprises de ce début d’année dans la précieuse catégorie des « albums lisibles par tous ». Sur une trame assez classique, proche du conte, le quotidien bascule dans l’extra-ordinaire. Un endroit tout à fait commun dissimule un accès vers un monde parallèle. Celle avec laquelle il se sentait le plus de complicité et d’intimité s'avère être un personnage fantastique. La révélation se fera bien entendu à l’abri des regards, une nuit d’insomnie et de lune pleine, tandis que la gestuelle adoptée par Nills n’apparaît pas si éloignée de celle du somnambule lorsque l’irrationnel bouscule – au sens propre comme au figuré – son destin. La tentation renaît alors d’imaginer qu’il n’y a pourtant pas que dans les rêves que les types ordinaires se transforment en héros pour voler au secours de leur princesse.
Le style d’Ulysse Malassagne séduit dès l’ouverture de ce premier volet. Découvert dans feu Tchô (la très bonne rubrique « Soyons moins nuls » notamment), il a le don pour redonner une âme d’enfant au lecteur le plus endurci avec un graphisme et une mise en couleurs aussi frais que légers. Dans l'esprit et l'efficacité, des références à Emile Bravo ou à Julien Neel viennent à l'esprit sans occulter une vraie personnalité. Qu'elles illustrent le calme absolu, les intrusions les plus fracassantes ou les chutes les plus vertigineuses, les scènes muettes, nombreuses, sont un régal de découpage et de précision. Le fait qu’il soit si agréable de s’y attarder (et d’y revenir) plutôt que de les emprunter comme des accélérateurs de lecture en est une preuve indiscutable. Hormis deux séquences nécessairement plus verbeuses en fin de volume pour éclairer le spectateur sur le passé et les motivations de ce monde et de ces créatures étranges, la narration s’accommode de ce parti pris en l’exploitant au mieux.
Avant de redécouvrir Jade pré-publié chez manolosacntis et programmé en librairie pour juin prochain (Glénat), Kairos est une découverte aussi vivifiante qu’une balade printanière en forêt (le risque de voir débouler des dragons casqués en moins). Pour attendre le deuxième tome et prolonger le plaisir, il y a Odysseus, les carnets d’Ulysse le blog de l’auteur où l’on peut retrouver des histoires précédemment publiées dans Tchô et d'autres créations qui, elles aussi, ne manquent pas de charme. Et lorsque certains encarts se font délicatement didactiques, c'est toujours avec le sourire. Auteur à suivre.
== Avis pour les 3 tomes ==
Franchement super!
Les BDs jeunesse sont souvent difficiles à juger pour moi. Je dis jeunesse, mais Kairos tombe résolument dans la BD pour adolescents. Mais voilà, j'ai été très agréablement surpris par cette histoire d'Ulysse Malassagne!
L'histoire est assez simple, mais elle avance rapidement et il n'y a aucun temps mort. On suit l'histoire d'un garçon humain qui part à la recherche de sa copine dans un monde de dragons. Et malgré cette simplicité, on nous réserve quand même quelques belles surprises. Les dialogues sont aussi plutôt bons. Chaque album se lit en environ dix minutes.
D'ailleurs, les scènes d'action font tout de suite penser aux mangas et ils prennent une place assez importante dans le récit. Le dessin est très agréable et j'aime beaucoup le style, malgré quelques rares pages qui paraissent moins précises que d'autres.
Par contre, je n'aime pas trop la petite leçon de morale qu'on nous balance à la fin du tome 3, même si foncièrement je ne suis pas en désaccord avec le propos. Je trouve juste que ça fait kitsch.
Mais sinon, une excellente petite série à découvrir! Je suis désormais curieux de lire les autres œuvres de Malassagne.