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ary Graves n’a pas seulement été la première maîtresse d’école de Californie. En 1846, avec son père et sa sœur, elle faisait partie d’un groupe de pionniers faisant route vers une « terre promise ». Un jour d’hiver, il leur fallut traverser un col de la Sierra Nevada. Une épreuve dramatique les attendait et la jeune femme au fort caractère y gagna le surnom de « Mary la cannibale »…
En deux tomes publiés simultanément, Christophe Bec revient sur un épisode effroyable qui, à sa façon, a contribué à la légende de la conquête de l’Ouest. S’il en était besoin, la preuve est apportée que les actes héroïques ne sont pas tous marqués du sceau de la bravoure. Pour survivre, les hommes s’adaptent aux circonstances et le visage donné habituellement par certains, positif ou négatif, peut évoluer avec elles. Cette morale est énoncée par le biais d’un récit qui met en relation, des années plus tard, Mary devenue âgée et le petit-fils d’un membre de l’expédition : l’une partage ses souvenirs, l’autre les confidences de son aïeul. L’éprouvante aventure est ainsi contée avec savoir-faire par le scénariste, en évitant que la trame chronologique des événements d'être pesante. Le recul dont disposent les conteurs doit cependant être à l'origine de celui ressenti à la lecture qui reste attentive mais jamais enfiévrée par un sentiment de peur ou de dégoût partagé avec les personnages. Reste néanmoins l'image de Mary, une goutte de sang au bord des lèvres en ouverture du premier tome, qui restera en mémoire pour mieux résonner par la suite.
D’un point de vue graphique, pour ses début en bande dessinée, Daniel Brecht livre une composition rigoureuse, remarquable de lisibilité, et rendant bien compte des difficultés vécues au sein du convoi. Ici, tout n’est que pluie abondante et boue qui freinent sa progression, puis vent glacial et neige qui le contraignent à l’immobilisme et précipitent vers la folie et les dérives. Autant dire que jouer avec ces paysages rendus monotones par les éléments durant la majeure partie de deux albums relevait de la gageure. Le pari est globalement gagné grâce au trait, toujours clair, et les couleurs accentuent la sensation que l'issue n'est jamais à portée de main. Quelques loups peu réalistes ou quelques gros plans sur des visages moins convaincants n’entacheront pas la bonne impression générale. Un fragment douloureux de l’Histoire solidement raconté.
C'est un épisode tragique de la conquête de l'Ouest que je ne connaissais pas et qui a été intitulé le Donner Party. Cette expédition comprenait 81 pionniers américains en route pour la Californie en 1846. Malheureusement, l'expédition a été bloqué par la neige dans la Sierra Nevada. Ils tentent alors un raccourci qui se révélera fatale pour la plupart d'entre eux.
Cette histoire nous est conté par un Christophe Bec qui s'éloigne de son répertoire habituelle de récit fantastique. C'est assez linéaire et finalement sans grande surprise même si cette épisode a contribué à la légende de la conquête vers l'Ouest. On sait bien que cela n'a pas été facile pour la plupart des colons. La moralité ultime est que seule la survie prime sur le reste. On n'est pas tous obligé d'adhérer...