« Des jours, peut-être des mois ou des années ? Que j’errais à la recherche d’une seule chose… un peu de tranquillité. » De sommeil aussi. Mais la tranquillité, il n’est pas certain qu’il la trouve dans le patelin où il arrive. Les bouseux du coin ne brillent pas par leur sens de l’hospitalité. Il y a cette fille aussi, qui, à son passage, les fait tous tomber de sommeil. Tous, sauf lui.
Après Un léger bruit dans le moteur, véritable claque qui avait résonné en fin d’année 2012, Jonathan Munoz revient avec Les dormants (Cleopas). Pour ces premiers pas en solo, le terrain exploré est similaire : un village perdu, peuplé par des péquenots idiots et qui sont prêts à libérer leur agressivité sur le premier visiteur venu. Fort heureusement, la ressemblance avec l’album précédent ne va guère plus loin, si l’on excepte le traitement des couleurs.
Tout d’abord, il y a cet inconnu, amnésique, hanté par des visions semblables à des pièces extraites d’un puzzle dispersé. Cette femme-enfant également, un peu fofolle et collante, tellement heureuse de côtoyer quelqu’un de différent qu’elle se perd en assommantes logorrhées. De leur rencontre et de leur confrontation avec les loquedus découleront quelques situations teintées d’absurdité ou jouant avec le décalage de leurs caractères. Quelques sourires s’esquissent dans un contexte dramatique. Le souvenir reviendra à l’inconnu, le voile aux allures de linceul qui masquait son passé se dissout.
Graphiquement, le style est désormais connu, s’illustrant par des trognes remarquables, plombé par un climat sombre mais toujours lisible. L’issue de ce songe dessiné et à rebonds risque quant à elle de susciter quelques interrogations, voire de paraître un rien opaque y compris après relecture. Dans tous les cas, un mystère subsiste : l’auteur peut-il se frotter désormais à un autre type d’univers ?
Les aventures d'un homme insomniaque et d'une jeune femme soporifique. L'homme n'est pas seulement insomniaque mais également amnésique. C'est le mythe revisité à l'envers de la belle au bois dormant qui devient une sorcière barbante. Bref, l'idée paraît assez séduisante et originale.
Pour autant, le début de cette lecture m'a paru très long, trop décalé et un brin ennuyeuse. Puis, à un moment donné, le jeu devient plus dramatique et le récit devient mystérieux quant au passé de cet homme. Il y a également un peu de poésie dans l'air.
Le dessin est dans la droite ligne de ce qui m'avait déjà séduit dans Un léger bruit dans le moteur. J'avoue qu'il est bluffant par son semi-réalisme. Et puis, toutes ces couleurs qui apportent de la profondeur à l'ensemble.
Au final, les dormants resteront bien éveillés pour la lecture de cette oeuvre singulière.