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Le roi des mouches 3. Sourire suivant

22/02/2013 8405 visiteurs 8.0/10 (3 notes)

E ric Klein fuit ses ennuis et sa ville natale à bord d’une BM décapotable. Il pense à Ringo qui ne le lâche plus depuis qu’il lui a donné ce foutu sac plein de pognon, contenant aussi une arme et une étrange quille de bowling convoitée par tout le monde. Il y a aussi ses plans cul qui partent en couille : Karine est enceinte, Marie est prise par David, Sal n’est qu’une salope et Lisa a certes du potentiel, mais elle n’a que quatorze ans. Sans parler des hallucinations qui le poursuivent même au volant de son « piège à chattes » ou de ce stock d’amphétamines qui ne sera pas suffisant pour tenir jusqu’à la fin de la journée. Bonjour les angoisses !

Tous les quatre ans, Pirus et Mezzo invitent les lecteurs à enfiler un gigantesque masque de mouche pour prendre place dans ce véritable ovni du neuvième art. Après deux tomes repris dans les sélections officielles du Festival d'Angoulême (Hallorave paru en janvier 2005 chez Albin Michel et L’origine du monde paru en septembre 2008 chez Drugstore), ils proposent le dernier acte de cette trilogie aux éditions Glénat.

Derrière cette couverture assez sobre et intrigante se cache une véritable bombe au niveau scénario et graphisme. Si celle-ci est cette fois verdâtre, le contenu demeure toujours aussi sombre, dérangeant, glauque, malsain, envoûtant et parfois morbide. Rythmée par des chapitres de quelques pages, chacun dans la tête d'un personnage différent, cette histoire suit les délires quotidiens de jeunes paumés, bordés par l’ennui et par les plaisirs artificiels. Coincés dans la banalité de leur existence, ils cherchent à s’évader via l’alcool, la drogue, l’argent facile et le sexe. Magistralement structuré autour de courts récits qui permettent aux protagonistes de se croiser pour finalement former un tout très cohérent et abouti, l’album dresse le portrait assez désespérant d’une jeunesse désœuvrée et d’un endroit difficile à situer. Les maisons et les vêtements font inévitablement penser aux États-Unis, tandis que les références géographiques font allusion à l’Europe.

En suivant le destin pathétique de ces losers à la recherche d’un bonheur souvent trop artificiel, les auteurs dépeignent un univers oppressant, où les valeurs s’effritent au fil des pages. Des couples qui se déchirent, des pères alcoolos, des mères accros aux antidépresseurs et des jeunes qui sombrent… la dérive est lente mais inéluctable et l’overdose de plus en plus proche. L’errance mentale des différents protagonistes est brillamment traduite par une narration experte qui tranche comme une lame de rasoir et accompagne ce voyage totalement halluciné avec grand brio. Une voix-off traduit inlassablement les pensées les plus sombres de ces adolescents égarés et vient bercer le récit d’un rythme quasi hypnotique. Si ces longs monologues intérieurs traduisent à merveille le mal-être de toute une génération, le cynisme et la froideur du texte contribuent également à l’atmosphère extrêmement envoûtante de l’album. Parmi la succession de narrateurs, après le fantôme de Damien qui revenait hanter le quotidien et les errances de ses anciens amis lors du tome précédent, c’est cette fois la voix de Lisa qui surprend le plus. Le langage volontairement moderne de cette fille qui s’exprime en textos et smileys ne manquera pas d’irriter les amateurs de belle prose, mais démontre une nouvelle fois la capacité des auteurs à faire entrer le lecteur dans la tête des personnages avec énormément de réalisme.

Le cadrage (face caméra) ajoute un côté malsain et dérangeant à l’histoire. Dans un style qui n’est pas sans rappeler celui du talentueux Charles Burns (Toxic, Black Hole), Mezzo livre un dessin flippant qui se place au diapason du scénario de Pirus. Le statisme des cases au format gaufrier accentue ainsi le détachement créé par cette voix-off entre les pensées des protagonistes et le quotidien qui les entoure.

Vous l’aurez compris : Le roi des mouches est une trilogie dérangeante dont il est difficile de ressortir indemne, une œuvre d’une grande richesse qui peut d’ores et déjà être qualifiée de culte, une lecture indispensable… mais à ne pas mettre entre les mains de tout le monde.

Par Y. Tilleuil
Moyenne des chroniqueurs
8.0

Informations sur l'album

Le roi des mouches
3. Sourire suivant

  • Currently 4.47/10
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  • 6

Note: 4.5/5 (47 votes)

  • Mezzo
  • Ruby
  • 01/2013 (Parution le 23/01/2013)
  • Glénat
  • 9782723472463
  • 62

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L'avis des visiteurs

    Yovo Le 01/06/2020 à 13:05:50

    Le texte, très dense et littéraire, semble prendre de plus en plus d'importance et donne clairement l'impression de lire un roman. Articulé autour de plusieurs voix off, le ton général est cinglant, parfois pompeux, mais traversé de fulgurances géniales.

    Attention, cela reste difficile à lire. L'ensemble est étouffant, peu fluide et requiert une attention totale pour ne pas être perdu. J'en ai ressenti un léger sentiment de redondance et de lassitude. Le récit à base de délires psychotiques et d'onirisme nous emmène loin et peut laisser K.O !

    Au final, je ne suis pas sûr d'avoir tout compris, mais au-delà du malaise qu'ils provoquent, ces trois tomes constituent bel et bien une œuvre à part, puissante et vertigineuse.
    A lire absolument !

    pudding Le 20/02/2018 à 05:35:43

    Meilleure BD du monde .

    Bandamoebius Le 17/06/2016 à 19:51:31

    La plus noire des bandes dessinées, servie par le plus noir des dessins: c'est un sans faute, je défie quiconque de lire d'une traite ces trois volumes et de dormir tranquillement dans la foulée. Cette histoire est dérangeante, malsaine, vulgaire, brutale, mais magistrale. Il est rare qu'une bande dessinée puisse avoir un tel impact, et pour cette raison, il est indispensable de la lire!

    pokespagne Le 11/10/2014 à 23:10:15

    Il est terriblement dommage que dans la première moitié de ce "Sourire Suivant", le troisième et dernier tome du "Roi des Mouches", Pirus ait fait le choix de l'onirisme à fond, du délire complet : certes justifiées par l'état mental et l'abus de drogues des personnages (qui sont passés à l'engrais comme drogue dure...), ces pages sont surtout inutilement confuses, portées par un texte hallucinatoire qui a certes ses moments, mais qui sent surtout le tour de force. Bref, Pirus n'est malheureusement pas Lautréamont (... mais qui l'est, de nos jours ?), et honnêtement,on frise parfois le ridicule, et surtout, on s'ennuie un peu pendant de longues, longues pages qui ne font finalement pas avancer la fiction pourtant passionnante du "Roides Mouches". Heureusement, à mi parcours, tout cela se dresse et on s'engage dans une sorte de sprint final qui nous emmène vers une résolution diablement satisfaisante des nombreuses fictions entremêlées, mais - et c'est un soulagement - vers aucun happy end forcé. La dernière page, extraordinaire, est sans doute la plus forte et la plus juste conclusion que les auteurs pouvaient apporter à leur oeuvre maîtresse : on ne change pas, jamais, on ne fait que refaire les mêmes erreurs idiotes, avec à chaque fois des conséquences plus dramatiques.

    PS: Tiens, j'aimerais bien savoir si la quille contenue dans le fameux sac est une référence au "En Quatrième Vitesse" de Robert Aldrich ? En tout cas, j'ai voulu y croire, et j'ai aimé le clin d'oeil.

    meuillot Le 15/05/2013 à 15:57:02

    Fin de cette série qu'on pourra qualifier d'addictive ! C'est pour cela qu'il vaut mieux qu'elle s'arrête tant le lecteur éprouve ce malsain plaisir à suivre & connaître l'issue de ces jeunes complètement pommés...

    Délires toujours aussi glauques, dessins toujours aussi noirs, aucun répit dans l'inconscient de tous ces personnages pour lesquels une certaine empathie s'installe pour certains d'entre eux.

    J'avais accroché sur le "Fantôme de Damien" au T2, le passage de voix-off de Lisa est excellent ! Pirus adapte les monologues des protagonistes avec une modernité fabuleuse !

    Le masque du Roi des Mouches brûle, on croit que c'est peut-être salvateur, jusqu'à la dernière case où est suggéré un ultime drame derrière cet apaisement furtif...

    Non, décidément aucune issue positive...

    Une très, très bonne série. Assurément, une série qui ne laisse place à aucun état d'âme. On n'en sort pas le cœur léger, loin s'en faut...

    Bravo à Mrs Mezzo & Pirus qui, de part leur complémentarité, nous offrent une œuvre ahurissante !

    quiqua Le 11/03/2013 à 06:02:05

    Troisième et dernier opus (?)
    L'expression des pensées devient parfois abscons (notamment le texte de Lisa) mais la déchéance et le désarroi restent envoutant à nous mettre mal à l'aise, à l'image du dernier plan (case) où l'apaisement apparent ne devrait pas durer très longtemps... Un cauchemar déambulant où la vie est bien sombre. Une expérience.