L
a nuit, tous les chats ne sont pas gris. C’est l’amère constatation que font les habitants d’un village moyenâgeux où le calme de la journée est remplacé, au crépuscule, par des incursions d’animaux féroces qui tuent sans raison apparente les adultes. Accompagné de mauvaises récoltes et d’intempéries inhabituelles, ce fléau fait ressurgir les croyances les plus folles. Quand le malheur est sur vous, l’irrationnel prend vite le dessus. De leur côté, les enfants réalisent qu’ils sont à l’origine du mal. Seule solution : quitter le village.
Les Loups-garous de Thiercelieux ne sont pas bien loin. Chaque nuit, certaines âmes d’enfants changent de nature et agressent leurs parents. Point de Petite fille, Voyante ou autre Sorcière, simplement des gamin(e)s qui ne maîtrisent ni ne comprennent ce qui leur arrive. Gwen de Bonneval tisse un univers fantastique intrigant en pleine nature hostile, presque un huis clos qui est loin d'être un divertissement pour ses protagonistes. La maturité se substitue rapidement à l'innocence du jeune âge et le jeu ou l'insouciance font place à la tentative de survie. Comme dans tout groupe, les caractères se heurtent les uns aux autres et la tension exacerbe les rancœurs. L'ambiance est vite pesante et l'aventure n'a rien d'une épopée héroïque. Mais l'objectif n'est clairement pas de réaliser un conte destiné à la jeunesse, sur ce point c'est réussi.
La ligne claire de Hugo Piette tend à gommer l'effet angoissant de l'atmosphère. Le trait est parfois trop lisse et les expressions des protagonistes, qui passent de la peur à l'angoisse via l'agressivité, manquent de relief. Si la couleur contrebalance cette impression avec un dosage adapté aux mornes paysages touchés de plein fouet par les intempéries et aux décors de nuits glaciales et terrifiantes, l'ensemble souffre de ce qui pourrait être une forme de passivité face au récit. Les qualités sont là, mais peut-être que le style graphique choisi n'est pas le plus adapté.
Il n'en est pas moins vrai que, la fin de ce premier tome n'amenant pas beaucoup de réponse, la suite est attendue.
J'ai franchement bien apprécié cette lecture des deux albums dont se compose l'histoire de Varulf. Je n'avais lu qu'une seule histoire de Gwen de Bonneval auparavant - Messire Guillaume - qui m'avait profondément déçu à cause de son troisième tome calamiteux qui gâchait tout. Mais ici, ouf, on arrive à la fin sans trop d'embûches! Enfin, j'aurais vraiment aimé quelques pages de plus pour qu'on nous montre la conclusion - je ne suis pas adepte de ces fins hâtives qui laissent au lecteur le soin de s'imaginer la suite.
Sinon, à part ce détail, j'ai beaucoup aimé! Je trouve les conversations remarquablement bien écrites, d'un naturel impressionnant. Souvent, dans les BD, même dans celles que j'aime, je n'arrive pas à oublier que je lis un texte écrit. Ici, j'avais vraiment l'impression de suivre de véritables conversations. Bravo pour l'écriture! Sinon, la trame générale est également originale, trame qui évoluera graduellement de plus en plus vers le fantastique. Et, contrairement au chroniqueur, je trouve que les dessins se prêtent merveilleusement bien au récit.
Un récit qui vaut la peine d'être lu. Les deux tomes se lisent d'une traite et on ne s'ennuie pas un instant. Divertissant!