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avid, libraire berlinois quinquagénaire, apprend coup sur coup deux nouvelles fracassantes : il vient d’être grand-père d’une petite Louise quand on lui diagnostique un cancer. Un méchant. David vit entouré de ses femmes : sa fille ainée, Miriam, reporter photographe, née d’un amour de jeunesse ; sa jeune épouse, Paula, créatrice et décoratrice ; et Tamar, leur fille, âgée de seulement huit ans quand débute le récit. Tour à tour, chacune d'elles va dérouler le fil de l'intrigue, évoquer des bribes de son histoire personnelle, détailler ses relations avec David, aborder son rapport avec la maladie. Qui progresse, inexorablement, au long des quatre chapitres composant le livre. Après s’être focalisé sur le ressenti des femmes, la dernière partie est centrée sur le héros, accompagne son lent déclin, jusqu‘à son acceptation - ou sa capitulation ? – face à la mort.
D’un sujet aussi plombant, lugubre, Judith Vanistendael parvient pourtant à faire une bande dessinée lumineuse, chaleureuse, de par son traitement graphique, assurément, mais aussi par le ton donné à la narration. Plein de pudeur, malgré la crudité des détails et le réalisme apporté à l’évocation de la maladie ; empli de douceur, bien qu’évitant les pièges du compassionnel et du larmoyant ; parfois brutal, quand la douleur, ou le silence obstiné de David, ou la prise de conscience de l’issue funeste, deviennent insupportables. Ce maelström d’émotions est orchestré avec finesse par l’auteure, qui mêle habilement les trajectoires de chaque protagonistes et la progression irrépressible des tumeurs, tout en s’octroyant, de-ci de-là, des bouffées d’exaltation, des élans heureux, d’éphémères rémissions.
Participant résolument à l’atmosphère poignante du récit, la mise en image est particulièrement inventive : réduite en minuscules cases flottant dans une page quasi-vierge, ou amoncelant les vignettes en gaufriers denses et rageurs, déployant parfois de larges illustrations sur deux planches, les ressources offertes par l’art graphique sont ici utilisées avec une pertinence qui captive et une justesse qui émeut. Le trait, quant à lui, est simple, un encrage fin, lâché, plus évocateur que descriptif. La vraie richesse vient de la couleur, de cette palette incroyablement luxuriante, de ces aquarelles qui débordent le dessin, lui donnant corps, matière, vie, tout simplement.
Portrait à la fois vibrant et intimiste d’une famille face à la maladie, David, les femmes et la mort, est une leçon de maitrise narrative, un de ces livres trop rares qui laissent entendre leur petite musique dans l’esprit du lecteur longtemps après avoir été refermés.
> Entretien avec Judith Vanistendael
à lire et à pleurer ... tous les personnages sont hyper attachants, et on s'identifie à eux assez facilement quand on a connu une histoire semblable. Merci
Une histoire aussi tendre que dure
David est malade. Un cancer du larynx. Mais il ne cèdera pas à la panique, le plus important est de préserver ses femmes ; Paula, sa seconde femme, Myriam et Tamar, ses filles, et sa petite-fille venue au monde le jour où on lui diagnostique la maladie.
Dans cette BD, l’auteure livre sans détour la maladie et ses conséquences qu’elles soient physiques ou morales. Elle ne cache rien et nous confronte à l’incompréhension d’un enfant, au désespoir d’un malade que la vie abandonne et à l’impuissance de son entourage. Mais curieusement, le récit fait preuve de beaucoup de pudeur.
Cette histoire aussi tendre que dure est appuyée par un dessin aux traits imprécis mais très intense. Certaines planches nous frappent comme un coup de poing en plein visage.
Ne soyez pas effrayé ni par le sujet, ni par le volume imposant de cette BD, car il s’agit d’une belle histoire, ombrageuse mais belle.
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