A
vec leurs deux filles, David et Anna mènent une vie paisible. Il suffit pourtant de pas grand-chose pour faire vaciller cet équilibre tranquille et acceptable. Des rongeurs qui font leur apparition dans la cuisine, un beau-père directif, une sœur qui a franchi le pas, tous ces petits riens vont se cumuler dans la tête de David jusqu’à prendre la forme d’un besoin, et pas des moindres, auquel il va céder sans trop s’en rendre compte. Il s’engage, et les siens avec lui, dans l’acquisition d’une maison neuve ; une manière comme une autre de meubler son quotidien. Anna, son épouse, ne partage pas vraiment son enthousiasme, mais, plutôt que s’opposer, elle se laisse gagner par l’apathie. Au-fur-et-à-mesure que le projet se concrétise, elle perd pied.
La première chose qui saute à l’œil, c’est la transparence des protagonistes, cette sensation qu’ils font comme partie du décor, celui-là-même qu’il est question de quitter. Pour ce faire, l’auteure, Ariane Dénommé, utilise un trait au crayon de bois qui, par certains aspects, peut faire penser à celui de Dash Shaw dans Bottomless belly Button, notamment dans sa façon de donner une texture et du corps aux éléments. Dans les deux cas, l’environnement fait partie intégrante du récit. La comparaison s’arrête néanmoins là, Du chez-soi abordant des questions plus universelles, tout du moins dans la société occidentale, notamment relatives à la possession et à la solitude.
Là où réside la force de cette bande dessinée, c’est sans aucun doute dans ce qu’Ariane Dénommé parvient à faire passer, tant dans les silences et les non-dits que dans les attitudes des personnages. À travers ces éléments, c’est ce qui se joue dans la tête des protagonistes qui est proposé au lecteur. Cela lui donne à interpréter les rapports d’influence, conscients ou non, qui régissent leurs relations. La résignation d’Anna face à celui qui partage sa vie, la docilité satisfaite de ce dernier, mais aussi, plus largement, tous ces petits mensonges qu’autour d’eux chacun s’autorise afin de maintenir une apparence qui lui permette d’exister aux yeux des autres. Accepté par tous, ce n’est ni plus ni moins qu’un jeu de dupes très contemporain qui est mis en branle, avec ceux qui passent à travers les mailles et ceux, nombreux, qui s'empêtrent dans les filets.
Du chez-soi ou décryptage du bonheur à travers le bien matériel, la grande illusion ?
Poster un avis sur cet album