Shrimp 1. Le grand Large

S uite à la découverte d’une gigantesque menace sismique, le gouvernement chinois décide d’expédier un échantillon trié sur le volet de sa population dans l’espace, afin de recréer une nouvelle Chine sur la lointaine planète Xing-Xiang. Vive Mao ! Ne se doutant évidemment de rien, un petit restaurateur bruxellois continue de faire tourner son troquet, attendant impatiemment la prochaine visite de Mia : une cliente régulière qui habite juste à côté. Alors qu’il s’apprête à servir une nouvelle portion de ses célèbres croquettes aux crustacés, la belle qu’il aime en secret franchit la porte de son établissement, accompagnée d’un certain M. Chang. Très vite, Albert comprend que les deux compatriotes s’apprêtent à partir ensemble pour Las Palmas. Voyant que M. Chang oublie son billet de croisière en quittant le resto, il saisit sa chance et décide d’embarquer pour la destination de ses rêves, accompagné de la femme de son cœur… Un voyage qu’il n’est pas prêt d’oublier !

Première réalisation de Matthieu Donck (scénario), Benjamin d'Aoust (co-scénario) et Mathieu Burniat (dessin), Shrimp est une bande dessinée issue du partenariat entre My Major Company et Media Participation, dont font partie Dargaud, Dupuis et Le Lombard. Ce système de financement participatif qui permet aux internautes d’acheter des parts d’une création et aux artistes de trouver leur public très en amont, vogue dorénavant dans les vastes eaux du neuvième art et force est de constater que cette fois la pêche est très bonne.

Dès les premières planches, cet anti-héros, jadis roi adulé au pays de la crevette, mais dorénavant clandestin intergalactique dans une Arche de Noé débordante de chinoiseries, s’avère extrêmement attachant. Après une mise en place efficace des protagonistes, le récit prend véritablement son envol lorsqu’Albert embarque dans une galère sans nom aux rebondissements innombrables. Mêlant science-fiction, aventure rocambolesque et romance impossible, le tout assaisonné d’un humour subtilement dosé, cette histoire totalement décalée déborde certes d’originalité, mais parvient néanmoins à garder le cap avec maestria.

Visuellement, le coup de crayon de Mathieu Burniat séduit dès la couverture. Alliant simplicité, dynamisme et élégance, son trait fait indéniablement mouche. Usant d’un style efficace, qui se place au diapason d’une autodérision intelligente, il livre des personnages aussi expressifs qu’attendrissants. La colorisation sobre aux tons sépia confère une certaine retenue à l’ensemble, qui semble vouloir confirmer que l’exercice est parfaitement maitrisé.

Le premier ouvrage de ces Belges un peu fous qui sentent la crevette et balancent des Chinois dans l’espace vaut donc le détour, mais ça, les « édinautes » l’ont compris depuis longtemps !