C
’est finalement Glénat qui publiera Les Tweets de Boulet. La lutte fut âpre entre l’éditeur historique de l’auteur qui lui avait mis le pied à l'étrier il y a maintenant dix ans avec Ragnarok, et les éditions Delcourt qui, après le fulgurant succès des Notes de Boulet, étaient bien évidemment elles aussi dans les starting-blocks. Si, de source éditeur, on confie volontiers que les tractations ont débuté depuis l'été 2011, les conditions commerciales qui lient Twitter et Glénat pour cette opération n’ont pas été dévoilées.
L’absence totale de dessins, à l’exception des avatars, pose la question de savoir si le recueil appartient au genre de la bande dessinée. Indéniablement oui. Les brusques changements d’avatars reflètent l’état d’esprit de Boulet, comme ouvrant autant de nouveaux chapitres dans la séquentialité du récit. Avec Les tweets de Boulet, l’auteur redéfinit la bande dessinée oubapienne en obéissant à une triple contrainte : récurrence du motif, immuabilité du format des cases et limitation à 140 caractères pour les dialogues. La performance proposée est de ne pas laisser la forme asservir le fond. Avec force concision, l’auteur s’interroge sur son quotidien, sur sa condition d’artiste et révèle une personnalité en perpétuel questionnement. Car créer du sens, éprouver le monde qui l’entoure à l’aune du cartésianisme, lui permet de refouler une angoisse omniprésente. Une œuvre personnelle, intime et rare.
Mais la mise en place a failli capoter à quelques jours du lancement. En effet, à la mi-mars Boulet s’est mis à dos une partie de ses fans avec de virulents propos anti-homéopathiques :
Durant les jours qui suivent, c’est le "tweetclash" avec ses "followers" dont le nombre fond comme neige au soleil, au point que Jacques Glénat est obligé d’intervenir lui-même pour que l’auteur, qu’on imagine volontiers débout sur une table, le doigt levé, en train d’haranguer une foule abasourdie, mette une peu d’eau dans son whisky.
C’est qu'avec un tirage de 200.000 exemplaires, le double du dernier Il était une fois en France du même éditeur (source Gilles Ratier), l’enjeu est de taille. Les imprimeurs sont sur les rotules, les entrepôts remplis à craquer, jusqu’aux transporteurs qui sont obligés d’embaucher des extra. Commence alors une vaste opération de Boulet pour reconquérir sont lectorat. La blogosphère est mise à contribution, c’est l’ébullition. Pénelope B joue sur l’affectif, Thomas Cadène annonce un épisode carte blanche de Les autres gens dessiné par Boulet où Mathilde et Camille disserteront sur les mérites de l’homéopathie. Quand à Marion Montaigne, elle promet de trainer l’auteur récalcitrant sur un reportage choc dans les Laboratoires Boiron.
Peu à peu la masse critique des followers se reconstitue et c’est le 28 mars que Jacques Glénat, tel Don Corleone, laisse échapper un sibyllin « Ok pour 100.000 ». La valse des camions peut commencer.
Outre la pensée profonde de Boulet que ses lecteurs retrouveront avec délectation, l’éditeur nous promet 10% de tweets inédits, comme sa première tentative de conquête de l’Amérique. Une approche frontale assez peu fructueuse.
Une version numérique sera aussi disponible sur Kindle, dans un premier temps pour la modique somme de 5€, avec une mise à jour quotidienne sur abonnement de 1€ par an.
À noter enfin un concours mis en place avec la version papier. En effet, parmi les 7.500 tweets réunis se cache un tweet de 141 caractères. Le premier lecteur à trouver l'intrus gagnera un ukulélé dédicacé par l’auteur.
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