C
ongo-Océan est le nom de la ligne de chemin de fer construite au début du siècle dernier pour relier Brazzaville à l’océan Atlantique, au prix de plusieurs milliers de morts dus au travail forcé. C’est en 1934, peu de temps avant l’inauguration que Lisa, fille d’un puissant propriétaire, part en promenade dans la brousse pour prendre des photos, à quelques jours de son accouchement. Alors qu’elle s’émerveille devant un couple de calao trompette dont le mâle vient nourrir sa femelle emmurée dans son nid afin de veiller sur leurs œufs, les accompagnateurs de Lisa abattent froidement l’animal. Dégoutée par tant de barbarie elle s’enfuit et tombe sur un étrange inconnu qui fait écouter de la musique aux animaux. Ce sera le point de départ d’une grande romance, digne des épopées hollywoodiennes à la Out of Africa.
Loïc Malnati est un auteur caméléon. Du style marqué Science-fiction (L’ancêtre programmé) ou Héroic-Fantasy (Mémoire du bamboo), au graphisme très classique des récits historiques à la Vécu, il adapte son art du dessin au sujet de ses albums, à son lectorat. Après la performance photo-réaliste d’Apocalypse, Malnati avait commencé à schématiser son graphisme pour Destin, avec des résonances assez pop flirtant avec la ligne claire. Pour Congo-Océan, il reprend ce style, mais le trait se fait volontairement plus gras, légèrement plus abimé et les couleurs plus crues, presque vulgaires, donnant à l’album une tonalité kitsch années 80 assez attachante.
Dès lors, la question se pose de savoir si la simplification du trait rend la narration plus lisible ? Vaste débat. Si l’on compare les deux extrêmes graphiques que sont Apocalypse et Congo-Océan, le duel va nettement en faveur de ce dernier dont la lecture est fluide et va directement à l’essentiel. Cela permet aussi à Malnati de se concentrer sur son scénario et d'embarquer son lecteur dans une longue histoire de plus de cent vingt pages, où il dresse un portrait au vitriol de la société colonialiste du XXe siècle. Violente, raciste. Le raffinement des salons laisse place à la sauvagerie dès que pouvoir et profits sont en jeu.
Attention, schématisation du graphisme ne veut pas dire dessin au rabais. Certaines planches sont d’une grande beauté formelle et certaines cases sollicitent directement nos souvenirs documentaires, photographiques ou cinéphiles. Loïc Malnati a-t-il trouvé son style définitif, comme Emmanuel Guibert était passé peu à peu de l’académique Brune au graphisme si efficace de La guerre d’Alan ou de Le photographe ? Réponse à son prochain album.
Poster un avis sur cet album