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Furari Furari, au gré du vent

27/02/2012 6388 visiteurs 6.0/10 (2 notes)

« Trente-huit, trente-neuf, quarante, quarante-et-un ». Un homme marche dans Edo, comptant chacun de ses pas et notant le résultat dès qu’il a atteint un point précis. Il énumère, inlassablement, imperturbablement, ou presque. Chacune de ses promenades est l’occasion d’une rencontre, d’un échange, d’un émerveillement.

Le succès grandissant, les parutions des albums de Jirô Taniguchi sont désormais souvent attendues avec impatience et une joie anticipée, l’écueil étant bien sûr que celles-ci soient déçues. Proposant de suivre les allers et venues d’un quinquagénaire en apparence désœuvré, Furari s’inscrit dans la lignée de L’homme qui marche, du Promeneur et du Gourmet solitaire . Cependant, cette fois-ci, c’est l’Edo du début du XIXe siècle que le célèbre mangaka donne au lecteur de découvrir et visiter dans le sillage de son personnage. Ce dernier a d’ailleurs pour modèle un géomètre et cartographe de cette époque, Tanakata Inô, ainsi que le mentionne le rabat intérieur de l’album.

Divisé en quinze chapitres d’égale importance, le récit se déroule au gré des balades d’un homme à la retraite et est rythmé par le décompte, à l’origine inconscient, des pas qu’il effectue à chacun de ses trajets. Au début, ce dénombrement fait l’effet d’un bourdonnement persistant et un peu agaçant, puis il se fond dans le paysage, participant pleinement à l’ambiance, sans plus gêner ni distraire. Il laisse alors le loisir d’apprécier au mieux aux différentes rencontres et aux nombreux petits détails qui attirent l’attention du marcheur. C’est là que viennent s’immiscer la poésie et l’onirisme, transportant dans d’autres dimensions, vers d’autres points de vue, à travers, par exemple, les regards fantasmés d’un milan, d’un éléphant ou encore d’une libellule. Ces menues aventures confèrent du corps et du goût à ce one-shot qui, par d’autres côtés, se révèle quelque peu frustrant.

En effet, la fin semble arriver trop vite, trop tôt, et le lecteur est abandonné au moment même où le géomètre s’apprête à se lancer dans un grand projet. Par ailleurs, l’auteur semble ne pas avoir su choisir entre se contenter d’évoquer de belles promenades ponctuées de bonheurs éphémères et le développement plus approfondi de son insatiable marcheur. Pour autant, l’ensemble n’est nullement dépourvu de saveur, et le graphisme n’est pas en reste. Toujours aussi soigné, le dessin de Taniguchi fourmille de détails, met l’accent sur l’expressivité et propose de superbes vues d’Edo dont certaines s’inspirent des Cent vues d’Edo du fameux peintre Utagawa Hiroshige.

Furari offre une belle promenade, agréable et dépaysante. C'est déjà suffisant pour s'y pencher et égrener les chapitres au gré de l'humeur de chacun.

Par M. Natali
Moyenne des chroniqueurs
6.0

Informations sur l'album

Furari
Furari, au gré du vent

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L'avis des visiteurs

    Erik67 Le 02/09/2021 à 22:35:26

    Le Taniguchi nouveau est arrivé et il a perdu de sa saveur d’antan. Suivre les déambulations d’un homme qui s’émerveille pour tout même si c’est à l’époque des Shogun (petite nouveauté) ne me fait plus d’effet. Taniguchi a usé sa corde. A force de la tendre, elle se casse.

    C’est une œuvre contemplative qui se veut poétique et proche de la nature. Point d’action mais du repos pour retrouver une sérénité de l’âme. Furari est un récit typiquement ennuyeux. Les dessins sont par moment magnifiques à l’image de ces cerisiers japonais en fleur. Cela ne suffit pas à faire mon bonheur. C’est que je suis devenu un peu plus exigeant.

    pokespagne Le 20/08/2016 à 15:10:47

    La lecture de "Furari" chronique paresseuse d'un arpentage systématique de l'ancienne capitale du Japon, Edo (qui devint Tokyo par la suite), pourra séduire profondément les uns et irriter les autres, tant ses qualités et ses défauts sont intrinsèquement liés, voire confondus. Une lecture superficielle de ces 200 pages, contenant ça et là des dessins magistraux de Taniguchi, donnera le sentiment d'un récit délétère, éparpillé, voire fantaisiste, les pas de l'arpenteur à la retraite l'amenant à croiser des animaux auxquels il s'identifie un instant (aidé en cela par un peu de saké, il faut bien le reconnaître !). C'est pourtant dans cette légèreté - qui dialogue avec la poésie traditionnelle japonaise, mais aussi sans doute avec l'art des estampes - que se niche la beauté la plus précieuse de "Furari" : l'opportunité pour le lecteur de ressentir un émerveillement soudain au détour d'une case plus fine encore ou d'un dialogue charmant (moments délicieux de tête à tête d'un couple à la tendre complicité...). Taniguchi ne raconte rien - le grand défi du voyage à Ezochi étant repoussé à un éventuel autre livre (existe-t-il ?) - et n'a même pas grand chose à nous dire à nous, non Japonais, qui ne pouvons sans doute pas apprécier à sa juste mesure le travail minutieux de reconstitution des us et coutumes de l'époque Edo (avec pas mal d'emphase sur la nourriture et la boisson, on reconnaît bien là Taniguchi !). Alors pourquoi a-t-on régulièrement la gorge serrée, les larmes qui viennent aux yeux en tournant ces pages ? N'est-ce pas là l'effet d'une mélancolie véritablement magique qui se dégage de la description patiente - par un véritable artiste - de moments que nous n'avons pas vécus, mais qui résonnent pourtant profondément en nous ?

    Hugui Le 02/08/2012 à 14:34:19

    Taniguchi continue dans la voie du promeneur pas pressé qui sait regarder ce qu'il y a autour de lui et en découvrir la poésie. Pas d'histoire donc si ce n'est le prétexte de suivre les déambulations d'un géomètre qui mesure le vieux Kyoto pour en faire la carte. C'est ce qui est original ici, on est au XVIIIème siècle et les ambiances sont différentes tout en étant très proches des parcours précédents. Et notre promeneur se vit dans la tête d'un milan, d'une libellule ou d'une fourmi ce qui fournit d'autres points de vue.
    Pas de grandes surprises donc, on retrouve la même petite musique qui fait du bien, même si on pourrait espérer qu'un jour Taniguchi nous raconte une vraie histoire.
    A lire pour prendre le temps d'une vraie coupure de notre vie stressée.